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Bernard Njonga : Témoignages

Les témoignages à la suite du décès tragique et de l'inhumation de Bernard Njonga

Mar 21, 2021 - 6 Minutes

Bernard Njonga, décédé le dimanche 21 février 2021 au Chu d'Amiens en France des suites de maladie a été inhumé ce samedi 20 mars 2021. Ingénieur agronome, ancien président de L'Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic), il s'est investie, ces dernières années, dans le champ politique camerounais, en fondant sa formation politique, le Crac (Croire au Cameroun). Par ailleurs Directeur de la publication (DP) du journal "La voix du paysan", Bernard Njonga a passé toute sa vie à la protection de la paysannerie et du monde rural. C'est la raison pour laquelle il était considéré comme le sauveur des paysans. J'ai lu quelques témoignages intéressants sur ses œuvres. Parmi lesquels les plus confidentiels que ces connaissances ont partagé sur la toile. J'ai ici le plaisir de vous les livrer ici pour mémoire.

Bernard Njonga, décédé le dimanche 21 février 2021 au Chu d
Bernard Njonga, décédé le dimanche 21 février 2021 au Chu d'Amiens en France des suites de maladie a été inhumé ce samedi 20 mars 2021

Témoignage de François Bimogo

Reconnu à l'international, consulté par des pays africains et les institutions européennes pour son expertise, et à l'entame des années 2010, sollicité par les plus hautes autorités du pays dans les domaines de la sécurité et de la souveraineté alimentaire. Aujourd'hui parlerait-on du "made in Cameroon" ?

C'est Bernard Njonga qui est à l'origine de cette mouvance dont le pinacle va être atteint en 2010 avec l'offre à de milliers de Camerounais et de non Camerounais, du pain enrichi aux farines locales panifiables, du riz de Ndop et de la Semery de Yagoua, du yaourt, fromage, beurre 100% Camerounais (avec du lait de vache frais du Cameroun)... Auparavant, c'est grâce à lui qu'aujourd'hui, on achète et mange du poulet sur pied au Cameroun (au marché, à la rôtisserie). Une réussite historique unique en Afrique et saluée dans le monde.

Entre production de journaux, magazines, production audiovisuelle, réalisation de livres blancs, campagnes terrain, structuration des rapports de forces sociaux sur le terrain de la citoyenneté, que d'initiatives et de projets engagés et réalisés.

Bernard Njonga ne se ménageait pas pour les intérêts collectifs et n'aimait rien tant que le terrain. Chez lui, les idées viennent et repartent en actions concrètes. Idée-Action.

Des années à sillonner le Cameroun profond, à pied, en quatre-quatre, de Bamendjou, à Pouss (zone du Bec de Canard) à l'extrême extrême nord du Cameroun, en passant par Moundou au sud du Tchad voisin. Des nuits sans sommeil, avec un confort rustique. Des risques sur les chemins montagneux et escarpés, pierreux et pluvieux de la région du Nord-ouest, de Ndop à Tadu, en passant par Jakiri.

La structuration de la société civile de l'Afrique Centrale et des Grands Lacs autour des Accords de Partenariat Économiques (APE). Avant son entrée en politique au couchant de la décennie 2010.

Bernard Njonga, décédé le dimanche 21 février 2021 au Chu d
Bernard Njonga, décédé le dimanche 21 février 2021 au Chu d'Amiens en France des suites de maladie a été inhumé ce samedi 20 mars 2021

Témoignage de Benjamin Fouda Effa

Il a cru en moi et admirait mon talent. Un soir après avoir livré un film, il prévisionne, m'appelle et dit : *fantastique! Fantastique! Fantastique!* Et racroche. Il m'a en effet confié la production de la plupart des films des campagnes de lobbying et plaidoyer de l'ACDIC (l'Association Citoyenne de Défense des Intérêts Collectifs).

Avec l'ACDIC, j'ai tourné:

  • "Importation massive des découpes de poulet congelés: massacre de la filière avicole nationale"; 
  • "vie chère: le Cameroun brûle"; 
  • "délabrement de l'industrie agricole nationale"; 
  • "grippe aviaire: le grand bleuf"; 
  • "redécollage de la filière avicole nationale"...
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Il m'a mis en mission dans les dix Régions du Cameroun que je découvrais en profondeur pendant ces tournages.

Bernard était de la Société Civile moderne. Il travaillait avec des jeunes engagés et brillants comme Jacob, aujourd'hui Dr. Kotcho. Il a introduit chez nous de nouvelles approches de pression sur les pouvoirs publics. Il était un homme courageux qui n'avait pas peur même pour sa vie et ne reculait donc devant rien. Plusieurs fois arrêté, intimidé, il reprenait ses actions aussitôt relaxé.

Il avait une forte conviction sur le développement du Cameroun adossé sur l'agriculture intensive. Vision qu'il tenait à implémenter avec le CRAC (CROIRE AU CAMEROUN), Parti politique qu'il crée en quittant les OSC.

Triste d'apprendre sa disparition. Un esprit brillant s'engouffre dans l'invisible. Que reste t-il de son combat?

Témoignage de Louis Marie Kakdeu

Il [Bernard Njonga] a pris son avion et il est venu [à Cluj, près de 500 km au nord, en pleine Transylvanie, la ville universitaire la plus accueillante d’Europe cette année-là]. A ses frais. Je ne croyais pas mes yeux. Il est passé par Beauvais en France où il y avait un vol pour Cluj. Il est resté deux jours, et on a discuté du Cameroun, une puissance agricole potentielle en 4 ans. 

Je comprenais bien ses explications parce que du point de vue économique, il s’agit de ce que l’on appelle « théorie de la croissance déséquilibrée » qui est positionnée comme étant « un moyen naturel » de développement économique. En effet, la croissance économique n'a pas besoin d'être équilibrée. Dans la démarche des investissements déséquilibrés, l’on ne s’engage pas à investir dans tous les secteurs en même temps (d’ailleurs, les pays en voie de développement n’en ont pas les moyens). On choisit une locomotive qui aura pour mission de tirer les autres secteurs et de finir par rétablir l’équilibre.

Pour aller plus loin dans son combat, Bernard avait besoin d’un théoricien pour mettre de l’ordre dans ses idées. Il me disait que son combat arrive au niveau où il a besoin des « têtes pensantes ». Mieux, il avait besoin d’une expertise pointue en évaluation des politiques publiques.

En effet, l’activisme chez Bernard Njonga était toute une école. Une méthode en 4 phases et 16 étapes. Rien n’était fait ou laissé au hasard. Je me concentrerai ici sur la phase de la préparation qui explique pourquoi il est venu me chercher. C’était la phase la plus importante et qui nous manque encore aujourd’hui dans la démarche politique. Elle se décline en 4 étapes.

  • le Diagnostic terrain (Etape 1), 
  • les Etudes techniques (Etape 2), 
  • la Rédaction livre-blanc (Etape 3) et 
  • le Ciblage/ Plan d’action/ Méthodologie (Etape 4). En gros, pendant cette phase qui se passe loin des projecteurs, des médias ou des caméras, l’on enquête et l’on cible les « dépositaires d’enjeux ».

L’on collecte minutieusement les données, les analyse au regard de la connaissance de pointe des politiques publiques, les interprète au regard des intérêts nationaux, et l’on rédige un rapport accablant et irréfutable. Bernard n’avait jamais lancé un plaidoyer avec des données discutables. Du rapport technique découlait la rédaction d'un livre-blanc (la bible de ce que l’on revendique) à l’aide des données-chocs. C’est une bible parce qu’elle est juste et irréfutable.

C’est généralement ce document que l’on distribuait à la phase 2 de la campagne (médiatique). Ensuite, il y avait la phase 3 de la Négociation d’un accord et la phase 4 de la valorisation.

Notre problème aujourd’hui, c’est que l’on commence par la campagne médiatique. On aime trop les médias. Le buzz. Et finalement, l’activisme ou l’opposition est réactionnaire puisqu’il/elle ne s’appuie sur aucune donnée fiable. Bernard « ne demandait pas les explications » au gouvernement comme certains disent le faire aujourd’hui. Bernard « accablait » le gouvernement et l’obligeait à agir par la force des faits. En plus de 30 ans d’activisme, il l’a fait une centaine de fois, toujours avec succès.

Dans ses 16 étapes, l’on arrivait pas toujours à l’étape 10 de l’organisation des manifestations publiques lorsque les négociations portaient déjà leurs fruits. L’essentiel était d’impacter directement la société sans avoir à attendre, comme c’est le cas à travers l’Afrique, le jour où l’on arrivera au pouvoir. Un jour qui, malheureusement, n'arrive pas pour beaucoup d'opposants.

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