Lettre ouverte à Christian Tumi
Un Camerounais écrit une lettre ouverte au Cardinal Tumi pour s'indigner à propos de sa position sur la fin de la guerre au Noso
Un internaute écrit au Cardinal Christian Tumi. Il s'insurge des déclarations du prélat en retraite sur la guerre en zone anglophone (Nord-Ouest et Sud-Ouest) du Cameroun. Les déclarations sur les ondes de le poste national de la CRTV font état de ce que la guerre que se livrent l'armée camerounaise aux bandes armées ambazoniennes ne peut prendre fin à la condition que celles-ci dépose les armes. Cette déclaration a fait rougir certains Camerounais. Pour quelles raisons estiment-ils que la fin de la guerre ne passera pas par le dépôt des armes des groupes armés?
Cette lettre ouverte ne donne certainement pas des raisons, mais exprime la colère d'un Camerounais qui considère que c'est Paul Biya "qui a déclaré la guerre" et c'est à "lui d'y mettre fin". On voit bien que l'auteur de la lettre ouverte considère que c'est au président de la république d'imposer la fin de la guerre en arrêtant tout simplement de faire la guerre. Mais comment arrêter la guerre en demandant à l'armée de déposer les armes? L'auteur n'en dit pas plus que ça et la question reste pendante.
Monsieur... Oui Monsieur,
Car je n’ai plus du tout envie de vous appeler Cardinal et d’ailleurs que j’ignore, par la confusion que vous avez semée dans mon esprit, à quoi cela renvoie maintenant. Je vous écrit parce que j’ai écouté quelques extraits de votre passage sur les antennes de la télévision nationale du mensonge et je me suis senti très mal. Je me suis senti mal parce que vous avez déconstruit l’image de cette noble communauté qui m’a vu naître et m’a élevé durant une bonne partie de mon enfance et mon adolescence.
Les valeurs cardinales de l’honnêteté et de la probité qu’on reconnaît encore à bien de citoyens du Cameroun anglophone ont quitté votre personne. Exploiter votre caution morale de pasteur pour soutenir les massacres de vos propres frères est criminel. Demander à Biya de porter les armes contre vos frères et à ceux-ci de les déposer pour la paix est criminel.
Non Monsieur Tumi, la guerre ne finira pas lorsque les ambazoniens auront déposé les armes ; elle finira lorsque Biya cessera de tuer, de violer les étudiants, brutaliser des avocats et des enseignants, tirer sur des manifestants pacifiques, tuer des bébés et leurs mères, des adolescents et autres civils, de brûler des villages et des grands-parents de ces enfants combattants dans leurs lits. Ce n’est pas le dépôt des armes par les ambazoniens qui cessera tous ces crimes et ces injustices inhérents à la nature même du régime Biya.
Ils ne les avaient pas encore portées lorsque le dictateur violait les étudiantes en 2016, lorsqu’il assassinait le jeune étudiant Akum Julius la même année ; ils ne les avaient pas encore portées lorsque le dictateur fit arrêter en Février 2017 le magistrat Aya Paul et enfermé pendant 08 mois sans autres raisons que le fait qu’il était/est anglophone, lorsqu’il fit arrêter tous les leaders du consortium à l’origine des revendications corporatistes. Les ambazoniens n’avaient pas porté les armes lorsque le 1er Octobre 2017 Biya ouvrit le feu sur des hommes des femmes et des enfants qui commémorèrent avec des arbres de paix l’indépendance du Cameroun anglophone. Ils ne les avaient pas portées non plus en 2008 lorsque Biya assassinait des jeunes dans les rues de Douala, Yaoundé, Bafoussam, Bamenda, lorsqu’il tirait sur des manifestants pacifiques à Bamenda en 1990.
Monsieur Tumi, vous avez été capturé par ces « terroristes », qui vous ont traité avec respect, selon vos propres mots. Selon vos propres mots, ils vous ont évité de vous retrouver piéger dans un échange de coups de feu avec l’armée qui aurait pu vous prendre votre vie. Qu’est-ce qui empêchait à ces enfants, ces terroristes, de vous tuer? Pourquoi ne l’ont-ils pas fait? Pourquoi n’ont-ils pas tué Fru Ndi quand ils l’ont arrêté ? Pourquoi n’ont-ils pas tué Muna quand ils l’ont arrêté ?
Parce que vous n’avez ni violé, ni brutalisé, ni tué leurs femmes, parents, grands-parents, enfants, frères et sœurs. Et parce que c’est Biya qu’ils combattent. Biya dont le régime a tué vos deux filles il y’a plusieurs années maintenant, dont le régime a assassiné de nombreux prêtres et pasteurs, le dernier en date Monseigneur Bala, des hommes de Dieu comme celui que vous dites que vous êtes. Les ambazoniens n’étaient pas présents dans le lit de bébé Martha à Muyuka lorsque des soldats sont entrés chez ses parents et l’ont tué dans son sommeil en 2019.
Témoin de l’histoire que vous êtes je me sens outré que vous ne demandiez pas à Biya d’arrêter le massacre des vôtres, que vous fassiez comme si tout cela n’avait pas existé et demandez à ces victimes de cesser de se défendre et de se laisser tuer par Biya car c’est exactement ce que vous leur demandez en d’autres termes. Mais bon peut-on en être surpris? Lorsque ce régime a tué vos deux filles vous n’avez pas osé demander que justice leur soit rendue.
Vous demandez aux ambazoniens de déposer les armes et à Paul Biya de continuer à les porter. Mais comme je l’ai dit plus haut est-ce cela qui arrêtera le dictateur barbare dans sa soif de sang? Dans un pays où on ne peut plus manifester son mécontentement de manière pacifique il nous reste deux choses :
- soit se soumettre à la dictature et accepter qu’elle nous écrase,
- soi lui opposer le rapport de force pour tenter d’obtenir la liberté.
C’est ce deuxième cas de figure que les ambazoniens ont choisi. Et leur choix n’est que la conséquence des multiples sauvageries du régime Biya sur les populations civiles autant en zone anglophone qu’en zone francophone. Ce choix, ils ne l’ont en réalité pas fait. Cela leur a été imposé par le dictateur. C’est lui qui a provoqué la dissidence par des actes sauvages, c’est lui qui a déclaré la guerre. C’est à lui d’y mettre un terme tout de suite. Vous ne pouvez pas créer un État de jungle et demander à ce que certains « animaux » se laissent manger par d’autres alors qu’ils ont la possibilité de se battre pour préserver leur vie. Non non et non!
Ce qu’il faut demander, Monsieur Tumi, c’est la création d’un État de droit, où tous les Hommes sont égaux devant la loi et où la justice est respectée. Un État où l’armée ne sert pas la soif de pouvoir d’un homme mais la constitution et le citoyen qu’elle protège. Et ça on ne l’aura pas après que les ambazoniens seuls aient déposé les armes. On ne l’aura pas avec Biya tout court. Alors si vous ne pouvez pas travailler à sauver le Cameroun et ses enfants des mains de ce régime monstrueux, laissez les survivre avec les moyens qu’ils ont!
Auteur : Kand Owalski