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Face à l’injustice sociale, seule la lutte libère : ce que nous apprend l’exemple de Campo

Feb 3, 2025 - 3 Minutes

Ces derniers jours, une crise sociale d’envergure a éclaté dans l’arrondissement de Campo. Les populations locales, excédées, ont dénoncé le non-respect des engagements contractuels pris par les sociétés Camvert, Boiscam et Sophony . Face à ces revendications légitimes, les autorités ont répondu par l’intervention de l’armée, qui a procédé à des interpellations musclées. Pourtant, les villageois ne faisaient que réclamer ce qui leur revient dans le contrat social. Malgré ces intimidations, qui s’inscrivent dans une logique bien connue du système politique camerounais, les habitants de Campo ont fait preuve d’une détermination sans faille pour défendre leurs droits. Leur mobilisation a contraint les autorités administratives du département à organiser, à Kribi, une réunion de crise entre les différentes parties, afin d’examiner leurs doléances.


Manifestant tentant la pancarte de réclamations.
Manifestant tentant la pancarte de réclamations.

À l’issue de cette rencontre, et malgré un déni de responsabilité de CAMVERT qui pointe du doigt les organisations internationales dans la manœuvre de déstabilisation du pays selon le responsable; des engagements ont été pris en faveur des populations. Le Directeur Général de Camvert, Mohamoud Mourtada, a ainsi déclaré : « Tous les problèmes ont été mis sur la table. On en a discuté. On a trouvé des solutions. C’est le type de cadre que nous avons toujours cherché, un cadre convenable où les partenaires peuvent discuter de façon ouverte, sereine et pérenne, et trouver des solutions qui vont à la satisfaction de tout le monde » (Mourtada, 2025).

Militants du rdpc
Militants du rdpc

Cependant, cette avancée obtenue par les riverains de Campo contraste fortement avec la situation des populations riveraines du Port Autonome de Kribi, qui subissent depuis des années une discrimination systématique. Contrairement aux habitants de Campo, qui ont su faire entendre leur voix, celles de Kribi semblent enfermées dans une forme de léthargie. Cette inaction pose une question fondamentale : pourquoi les communautés concernées et leurs représentants restent-ils toujours silencieux face à des injustices similaires ?

Ce constat me rappelle un échange que j’ai eu à Yaoundé avec une haute personnalité de l’État. Lorsque j’ai évoqué la situation des populations locales face aux grands projets d’aménagement, mon interlocuteur m’a répondu froidement : « Vos chefs sont faibles ». Cette phrase, bien que brutale, met en lumière le rôle central que devrait jouer la chefferie traditionnelle dans la défense des intérêts communautaires. Malheureusement, dans notre contexte, cette institution est souvent gangrenée par des intérêts égoïstes, l’opportunisme et un manque flagrant de conviction.

À Kribi, une telle dynamique tarde à émerger, pourtant plusieurs pétitions aux autorités de Yaoundé et demandes d’audience au différentes structures opérants dans la ville et surtout dans la zone industrielle du Port Autonome de Kribi sont restées lettre morte jusqu’ici. Les autorités attendent probablement que les populations exaspérées se révoltent comme à Campo pour se déployer; et ils ne manqueront pas comme à l'accoutumé de trouver un bouc émissaire. Toutefois, il est essentiel de rappeler une vérité fondamentale énoncée par Thomas Sankara : « Seule la lutte libère ». Patrice Lumumba, dans le même ordre d'idée a déclaré que « Sans la lutte, vous n’obtiendrez rien ; ni aujourd’hui, ni jamais ». Ces paroles doivent résonner aujourd’hui avec force pour ceux qui attendent que Yaoundé leur déroule le tapis rouge pour répondre à leurs revendications légitimes. 

Références
Greenpeace Afrique (2025). Communiqué sur les violations des droits à Campo. www.greenpeace.og 
Koaci (10 décembre 2024). Article sur les protestations contre Camvert. www.koaci.com
Mourtada, M. (2025). Déclaration lors de la réunion de crise à Kribi.
Sankara, T. (1983). Discours sur la révolution au Burkina Faso.
Lumumba, P. (1960). Discours à l’indépendance du Congo.

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