FIRST LOVE
Chapitre 14
En tout cas....
Okay, d'accord 👍🏽
~ Yvan Kameni ~
La veille de la Saint Sylvestre, Anaïs insiste pour me faire sortir. Depuis le début des congés, je suis d'humeur exécrable, totalement en décalage avec l'ambiance festive de fin d'année. Et la raison principale de cette morosité porte un prénom.
Marissa.
Elle est là, juste à quelques mètres de moi, et le voir à ses côtés me brûle les entrailles. Dylan. Son bras repose négligemment sur ses épaules, et il affiche un sourire satisfait. Elle semble heureuse, "amoureuse". Je ravale l'amertume qui me noue la gorge. Il faut que je m'habitue à cette réalité.
Anaïs, fidèle à elle-même, prend l'initiative de commander pour nous deux. Je suis trop absorbé pour faire un choix.
- Tout va bien !?
Sa voix inquiète me ramène brièvement à la réalité avant que mes pensées ne replongent dans ce souvenir douloureux, ce jour où je me suis fait rejeter... sans même qu'elle ait eu besoin de le dire explicitement.
- Yvan.....Hey Ohhhh !!!?
Elle agite une main devant mes yeux.
- Désolé, soufflé-je, légèrement embarrassé.
- Tu veux bien être là au moins ? J'ai l'impression de parler toute seule.
J'acquiesce d'un sourire forcé. Malgré moi, mon regard retourne vers Marissa. Dylan me fixe aussi, un rictus arrogant aux lèvres. Son attitude parle pour lui.
Elle est à moi.
- Ohhh ! s'exclame soudain Anaïs.
Elle suit la direction de mon regard, et un sourire malicieux étire ses lèvres.
- Je comprends maintenant... Qui est-ce ?
Je garde le silence.
- Yvan, c'est à cause d'elle que tu es si absent ? Elle te plaît, pas vrai ? Je crois l'avoir déjà aperçue...
Elle réfléchit à voix haute, tandis que je ne fais que fixer Marissa, incapable de détourner les yeux.
- Ça y est, je me souviens ! La dernière fois qu'on s'est croisés, elle était avec toi. C'est une ex ?
- Une camarade de classe.
Les mots me coûtent, et Anaïs le remarque aussitôt.
- Oh, mais tu voudrais qu'elle soit plus que ça, hein ?
Je me renfrogne, ce qui la fait sourire.
- Et lui, c'est qui ? demande-t-elle en désignant Dylan d'un geste du menton.
Mon cœur se serre.
- Son copain.
- Hmmm... Il ne t'arrive pas à la cheville, tu sais. Il y a plein de filles qui rêveraient d'être avec toi.
Je tente un sourire. Elle essaie de me remonter le moral, et je lui en suis reconnaissant.
- Merci.
- Ne me remercie pas encore. Si tu tiens à elle, bats-toi. Où est passé Yvan l'intrépide ?
Elle marque un point. J'ai toujours été un battant, que ce soit sur un terrain de foot ou dans la vie. Mais Marissa... elle n'est ni un trophée ni une victoire à arracher.
- Si elle est heureuse, c'est le plus important.
- Okay, mais si tu veux un coup de pouce, je peux t'aider.
- Comment ça ?
- On peut la rendre jalouse.
Je secoue la tête.
- Sans façon. Je ne suis pas ce genre de mec.
- D'accord, mais si tu changes d'avis, je suis là.
Nos commandes arrivent, et Anaïs fait tout pour me distraire. Pourtant, quand nos regards se croisent à nouveau, Marissa détourne aussitôt le sien, jouant nerveusement avec son verre. Une fraction de seconde plus tard, Dylan l'attire à lui et l'embrasse.
Un coup de poignard.
Ne supportant pas la scène, je me lève précipitamment et me réfugie aux toilettes.
L'amour... pourquoi a-t-il fallu que ces foutus sentiments entrent dans ma vie ? Et surtout, pourquoi ne sont-ils pas réciproques ?
Je laisse échapper un rire amer en me rafraîchissant le visage.
Comment rivaliser avec son amour d'enfance ? C'est perdu d'avance.
Je prends une profonde inspiration, prêt à sortir, quand la porte s'ouvre brusquement.
Dylan.
Un sourire carnassier étire ses lèvres tandis qu'il s'approche lentement.
- J'ai cru rêver, mais c'était bien toi.
Je croise les bras, le fixant froidement.
- Qu'est-ce que tu veux ?
- Juste voir ta tête.
Il marque une pause, savourant l'instant, puis reprend :
- Alors, ça fait quoi de la voir entre mes mains ? De savoir que c'est moi qu'elle aime ? Moi qui peux faire ce que je veux d'elle...
Je serre les poings.
- Ce doit être frustrant, hein ? D'autant plus que, malgré ton nom, ton argent et ta réputation, elle m'a choisi moi.
Chaque mot est une provocation soigneusement pesée. Mais au-delà de sa mesquinerie, une évidence me frappe : à aucun moment, Dylan ne parle de Marissa autrement que comme un objet.
Et ça...
Ça change tout.
#Ms
Je le fixe, mon cœur battant à un rythme furieux. Chaque fibre de mon être me hurle de lui en coller une, d'effacer ce rictus suffisant de son visage. Mais je me contiens.
- Tu parles d'elle comme d'un trophée.
Il rit doucement, croisant les bras.
- Et alors ? C'est un problème ?
- Oui.
Je plante mon regard dans le sien, et son sourire se fige légèrement. Il pensait m'atteindre, me faire perdre mon sang-froid, mais il vient de révéler quelque chose d'important.
- Tu fais tout ça juste pour me provoquer, pas vrai ?
Son sourire s'étire de nouveau.
- Je veux juste que tu comprennes où est ta place. Marissa est à moi. C'est moi qu'elle choisit, moi qu'elle embrasse, moi avec qui elle dort.
Il marque une pause avant d'ajouter, venimeux :
- Toi, tu n'es rien.
Je prends une inspiration lente et profonde. C'est ce qu'il veut : me voir craquer, me voir lui donner une raison de jubiler. Je refuse de lui offrir ce plaisir.
- Si elle est avec toi, c'est qu'elle le veut. Tant mieux pour vous. Mais un conseil, Dylan...
Je m'avance d'un pas, réduisant la distance entre nous.
- Si tu tiens vraiment à elle, commence par la respecter.
Son sourire se crispe, et je vois une lueur de défi briller dans ses yeux. Mais avant qu'il ne puisse répondre, la porte des toilettes s'ouvre derrière lui. Un client entre, jetant un regard curieux dans notre direction.
Dylan esquisse un sourire faussement détendu et recule d'un pas.
- Profite bien du spectacle ce soir, Kameni.
Sur ces mots, il quitte la pièce.
Je serre les poings une dernière fois avant d'expirer lentement. Ne pas réagir. Ne pas tomber dans son jeu.
Mais au fond, une certitude grandit en moi.
Je ne peux pas le laisser gagner.
Quand je retourne à notre table, Anaïs me scrute, les sourcils froncés.
- Où étais-tu ?
- Aux toilettes.
Elle incline la tête, dubitative, puis son regard glisse vers la table de Marissa.
- Je vois.
Je suis son regard et je croise celui de Marissa. Cette fois, elle ne détourne pas les yeux immédiatement. Pendant une seconde, une hésitation passe dans son regard.
Une ombre.
Mais Dylan pose sa main sur sa cuisse et murmure quelque chose à son oreille.
Elle baisse la tête.
Je serre les mâchoires.
Anaïs repose son verre et se penche légèrement vers moi.
- Je ne veux pas m'en mêler, mais...
Je tourne lentement la tête vers elle.
- Tu devrais peut-être reconsidérer ma proposition.
Je ne réponds pas.
Mais cette fois, je ne dis pas non.
Plus tard....
Dylan quitte la table pour répondre à un appel. Mon regard glisse vers Marissa. Elle est là, seule, le dos droit, les doigts jouant nerveusement avec le bord de son verre.
Je pourrais rester à ma place. Ignorer cette situation. Faire comme si elle n’avait aucune importance. Mais quelque chose me pousse à me lever et à m’approcher d’elle.
Lorsqu’elle lève les yeux, un instant de tension se forme entre nous. Son regard hésite, puis se pose sur moi.
— Yvan…
L'entendre prononcer mon prénom me fait un étrange effet, comme si elle ne me reconnaissait plus.
— Je voudrais simplement discuter, dis-je d'une voix calme, mes yeux ancrés dans les siens.
Elle jette un coup d'œil vers l'entrée, puis secoue légèrement la tête.
— Ce n’est pas le moment. Dylan peut revenir à tout instant.
Un petit sourire esquissé se forme sur mes lèvres, mais il n’est ni amusé ni moqueur.
— Où est le souci Marissa ? Tu ne fais rien de mal après tout.
Elle évite mon regard, concentrant son attention sur son verre. Le silence qui s’installe est lourd.
— Je te demande juste de partir, murmure-t-elle finalement.
Il n’y a ni colère ni méchanceté dans ses mots, seulement une sorte de résignation, un abandon.
J’inspire profondément avant de répondre, plus calme que je ne le ressens.
— D’accord. Je ne vais pas insister. Mais je tiens à te dire une chose. Peu importe ce qui se passe, peu importe les circonstances, je serai toujours là pour toi.
Elle relève lentement la tête. Une lueur d’incertitude traverse ses yeux, comme si mes paroles la touchaient plus que ce qu’elle aurait voulu.
Elle ouvre la bouche, prête à dire quelque chose, mais la referme précipitamment.
Je prends un moment pour la regarder avant de me détourner, résolu à ne pas brusquer les choses davantage.
— Yvan…
Sa voix m’arrête net. Je me retourne lentement, sans vraiment y croire, mais avec une pointe d’espoir.
Juste à ce moment-là, Dylan revient. Il se penche vers elle, murmure quelque chose, et elle baisse les yeux.
Je ferme les miens un instant, et sans un mot de plus, je retourne à ma table. Mon esprit reste concentré sur ce qui vient de se passer, mais je sais au fond de moi que ce n’est pas la fin. Les choses doivent se faire à leur rythme.
__ Alors ?
Me questionne Anaïs aussitôt.
__ Je laisse couler.
__ Pfff, tu as tellement changé merde !
Je souris et me lève ensuite.
__ On y va !
__ D'accord.
Je n'ai plus envie de rester une seconde de plus dans ce restaurant. Anaïs se lève à son tour et nous quittons les lieux après un dernier regard en direction de leur table.
*
~ Marissa Elong ~
Si j’avais su que je tomberai sur Yvan ce soir, je n’aurais jamais accepté cette sortie. Dès que nos regards se croisent, je sens son insistance, cette façon qu’il a de me scruter, comme s’il cherchait à raviver quelque chose en moi. Il n’a pas de mauvaise intention, je le sais… Pourtant, sa présence suffit à créer une tension que je n’avais pas anticipée.
Dylan, lui, est distrait. Il pianote sur son téléphone par moments, ne me prête qu’une attention sporadique, sauf quand il remarque qu’Yvan me regarde. Comme si, soudainement, il réalisait ma présence et ressentait le besoin d’affirmer son territoire.
Coincée entre eux, je ne sais plus où me placer. Alors, quand Yvan quitte enfin le restaurant, un soulagement immédiat m’envahit. Je peux enfin respirer normalement.
— Désolée… Je sais que ça n’a pas dû te plaire de le voir ici.
Dylan me sourit, sûr de lui, comme si tout ça n’avait aucune importance.
— Pourquoi t’excuser ? Il ne représente rien pour moi. Et maintenant, il sait que je t’aime, que tu es à moi. Marissa, nous deux, c’est pour la vie. Il devra l’accepter, un point c’est tout.
Ses mots me réchauffent, une vague de réconfort m’envahit.
— Je t’aime, Dylan. Tu es la plus belle chose qui me soit arrivée cette année.
Mais malgré tout, une ombre persiste en moi…
#Ms
Le reste de la soirée se déroule sans accroc. Dylan est aux petits soins, plus attentif, comme s’il voulait effacer la présence d’Yvan de mon esprit. Mais malgré ses efforts, quelque chose me trouble.
Dans le taxi, sur le chemin du retour, il me tient la main, son pouce effleurant doucement ma peau. Pourtant, je suis ailleurs. Mes pensées reviennent sans cesse à cet échange silencieux avec Yvan. Son regard. Son ton posé. Cette promesse qu’il m’a faite avant de partir.
"Peu importe ce qui se passe, peu importe les circonstances, je serai toujours là pour toi."
Pourquoi ces mots résonnent-ils autant en moi ?
— Tu es bien silencieuse, fait remarquer Dylan en me jetant un coup d’œil.
Je secoue légèrement la tête et force un sourire.
— Je suis juste fatiguée.
Il acquiesce sans insister, mais je vois bien la lueur de doute dans son regard. Il me connaît trop bien.
Arrivés devant le portail de notre maison des minutes après, il s'arrête et se tourne vers moi.
— Tu vas bien ?
J’inspire profondément avant de lui répondre :
— Oui, pourquoi cette question ?
Il m’observe, comme s’il cherchait à lire à travers mon regard. Puis, finalement, il ne dit rien et m’embrasse doucement.
— Repose-toi bien, ma chérie.
J'ouvre la barrière et attends qu’il s’éloigne avant de pousser un long soupir.
En gravissant les marches jusqu'à ma chambre, une étrange sensation m'alourdit la poitrine. Ce n'est pas de la culpabilité… Non, c'est autre chose. Un poids diffus, indéfinissable, qui refuse de s'estomper.
Mon premier réflexe est d’attraper mon téléphone pour appeler ma meilleure amie, chercher du réconfort dans sa voix. Mais l’élan retombe aussitôt. Nous sommes toujours en froid.
Dylan m’a conseillé d’abandonner, de tourner la page. "Si elle tenait vraiment à toi, elle aurait fait le premier pas." Il a peut-être raison. Après tout ce temps, elle n’a rien tenté. Pas un message, pas un signe. Comme si notre amitié n’avait jamais compté. Comme si j’étais la seule à m’accrocher à des souvenirs déjà effacés.
