Goma : Une ville brisée, un peuple en souffrance
Goma est une ville résiliente, mais elle ne peut pas surmonter seule les défis auxquels elle est confrontée.

28 janvier 2025
Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu en République démocratique du Congo (RDC), est une fois de plus le théâtre d’une tragédie humaine. Le 27 janvier 2025, les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, ont annoncé avoir pris le contrôle de cette ville stratégique, plongeant ses habitants dans la peur et l’incertitude.
Une ville au cœur des conflits
Dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), une tragédie humaine se joue. Goma, capitale du Nord-Kivu, est le symbole vivant d’une population prisonnière d’un conflit qui dure depuis des décennies. Depuis plusieurs semaines, les combats entre l’armée congolaise et le groupe rebelle M23 ont redoublé d’intensité, poussant des milliers de personnes à fuir. Les images de familles entassées sur les routes, traînant des sacs en quête d’un refuge incertain, racontent une histoire d’abandon, de peur et de survie.
Goma est depuis longtemps une cible stratégique. Située près de la frontière avec le Rwanda, cette ville de plus d’un million d’habitants est à la fois un carrefour commercial et un lieu hautement symbolique. Pourtant, son importance n’a jamais pu la protéger. En 2012 déjà, le groupe rebelle M23 avait pris la ville, semant chaos et désolation. Dix ans plus tard, l’histoire se répète.
Le M23, composé en majorité d’anciens militaires ayant déserté l’armée congolaise, justifie ses actions par la nécessité de défendre les droits des Tutsis congolais. Mais derrière ce discours, c’est une guerre aux multiples enjeux qui se joue : accès aux ressources minières, tensions ethniques et rivalités régionales, notamment entre le Congo et le Rwanda, accusé de soutenir les rebelles.
Des vies bouleversées : des chiffres qui glacent le sang
Depuis le début des combats, les Nations unies estiment que plus de 600 000 personnes ont été déplacées dans la région du Nord-Kivu. Parmi elles, des milliers se sont dirigées vers Goma, espérant trouver une protection qui n’existe pas. Les camps de déplacés débordent. À Kibati, à quelques kilomètres de la ville, les conditions de vie sont insoutenables : pas d’eau potable, peu de nourriture, des abris de fortune incapables de résister aux pluies.
« Nous avons tout perdu », m’a confié une correspondante, mère de cinq enfants. « Nous vivons avec la peur. La nuit, nous dormons à peine, en nous demandant si demain nous serons encore vivants. »
Les hôpitaux, eux aussi, sont débordés. Les blessés affluent sans répit. Des médecins témoignent d’un manque cruel de matériel, de médicaments, et parfois même d’électricité. « Nous sommes en guerre », dit un médecin de l’hôpital de Goma. « Mais nous n’avons pas les moyens de soigner les victimes de cette guerre. »
Les racines d’une crise sans fin
Pour comprendre la situation actuelle, il faut remonter à la fin des années 1990, lorsque la région des Grands Lacs a été secouée par une série de guerres et de génocides. Le conflit au Congo est souvent qualifié de « guerre mondiale africaine », tant il implique de nombreux acteurs régionaux.
Aujourd’hui, le M23 est accusé d’être un instrument du Rwanda, qui nie pourtant tout soutien. Mais des rapports des Nations unies pointent du doigt des preuves solides : armes, munitions et soutien logistique en provenance de Kigali. Pendant ce temps, le gouvernement congolais, débordé, accuse ses voisins de déstabiliser le pays pour contrôler ses ressources naturelles, notamment le coltan, essentiel à la fabrication de nos téléphones et ordinateurs.
Un soutien international insuffisant
Les appels à l’aide se multiplient, mais la réponse internationale reste faible. Les casques bleus de la mission des Nations unies (MONUSCO), présents depuis plus de 20 ans, sont régulièrement accusés d’inefficacité. Les habitants de Goma expriment leur colère : « À quoi servent-ils, si ce n’est à regarder pendant que nous mourons ? » s’interroge l’un de mes correspondants.
Malgré les promesses de soutien, l’aide humanitaire arrive au compte-gouttes. Pendant ce temps, les grandes puissances, préoccupées par d’autres crises, semblent détourner le regard. Pourtant, selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), 27 millions de personnes en RDC ont besoin d’aide, soit un quart de la population.
Malgré tout, les habitants de Goma continuent de se battre pour leur survie. Leur résilience force le respect. Les femmes, en particulier, jouent un rôle clé : elles créent des réseaux de solidarité, partagent le peu qu’elles ont et veillent à ce que leurs enfants reçoivent un minimum d’éducation, même dans les camps.
« Nous n’avons pas le choix. Si nous ne luttons pas, qui le fera pour nous ? »
Mais cette résilience ne peut pas tout. Sans une véritable mobilisation internationale, Goma risque de s’effondrer sous le poids de ses souffrances.
Un appel urgent à l’action
Le conflit à Goma n’est pas une fatalité. Ce qui se passe ici est le résultat de choix politiques, économiques et militaires. Il est encore temps d’agir : de négocier une paix durable, de fournir une aide humanitaire massive, et de demander des comptes à ceux qui alimentent cette guerre.
En tant que communauté mondiale, nous avons une responsabilité. Goma est un rappel cruel que les vies humaines ne peuvent être sacrifiées sur l’autel des intérêts géopolitiques. Les habitants de cette ville méritent mieux que l’indifférence.
L’histoire de Goma est celle d’un peuple qui refuse de disparaître. Mais combien de temps encore pourront-ils tenir sans un réel soutien ? À l’heure où vous lisez ces lignes, des familles entières dorment dehors, sans savoir de quoi demain sera fait. Cette guerre est une tragédie, mais elle peut aussi être une opportunité pour le monde de montrer qu’il n’a pas oublié la RDC.
Goma appelle. Allons-nous répondre ?
Elsa Rose N. Cheping.