Les droits des jeunes : Combattre les paradoxes des politiques publiques

Dans une salle de classe animée à Yaoundé, on demande aux élèves de débattre d’un sujet brûlant : « À partir de quel âge devient-on responsable ? » Les réponses fusent, toutes plus variées les unes que les autres. L’un, le regard déterminé, répond : « À 18 ans, bien sûr, on peut travailler, payer des impôts, et même aller en prison ! » Un autre, ironique, rétorque : « Oui, mais voter, apparemment, c’est plus sérieux que tout ça… parce que pour ça, il faut attendre 20 ans. »
Voilà le paradoxe au cœur de notre société : les jeunes sont suffisamment responsables pour contribuer à l’économie, pour être jugés selon la loi, mais pas assez matures pour participer aux décisions politiques. Comment justifier cette contradiction flagrante ? Plus encore, comment expliquer aux jeunes qu’ils ont des devoirs civiques, quand leurs droits politiques sont limités ?
Une société qui infantilise ses jeunes
Au Cameroun, l’âge légal pour voter est fixé à 20 ans. Pourtant, à 18 ans, la majorité des jeunes endossent des responsabilités considérables : chercher un emploi, subvenir à leurs besoins, parfois même soutenir leur famille. La société leur demande de se comporter en adultes, mais les prive du droit fondamental d’élire leurs représentants. Cette incohérence envoie un message clair : « Tu es assez grand pour les devoirs, mais pas pour les droits. »
Et ce n’est pas un problème isolé. Dans d’autres sphères, les jeunes font face à des contradictions similaires. On les encourage à être entreprenants, mais on leur refuse les financements nécessaires pour concrétiser leurs projets. On leur demande d’être des leaders de demain, tout en écartant leurs voix des espaces décisionnels d’aujourd’hui.
Les chiffres ne mentent pas : les jeunes exclus du jeu politique
Selon le Conseil National de la Jeunesse, plus de 60 % de la population camerounaise a moins de 25 ans. C’est une majorité écrasante, et pourtant, leur participation dans les instances de décision reste marginale. Lors des dernières élections municipales de 2020, moins de 15 % des candidats avaient moins de 35 ans, et encore moins ont été élus.
La politique est perçue comme un espace réservé aux aînés, un club privé où l’expérience prime sur l’énergie, où l’ancienneté écrase l’innovation. Mais cette logique est dangereuse. Elle alimente une fracture générationnelle qui éloigne les jeunes des institutions, renforçant leur désillusion et leur méfiance envers le système.
Témoignage d’une jeunesse frustrée
Micheline, 19 ans, est une étudiante en sciences politiques à Douala. Passionnée par les enjeux de gouvernance, elle milite dans une association de sensibilisation citoyenne. Pourtant, elle se sent impuissante :
« Je vois mes camarades abandonner. Ils disent : “À quoi bon ? On nous parle de citoyenneté, mais on ne nous laisse pas participer. Même voter, je ne peux pas encore.” C’est frustrant de se battre pour un système qui ne croit pas en nous. »
Comme Micheline, des milliers de jeunes se sentent exclus, pas par manque d’intérêt, mais à cause d’un cadre légal qui ne leur permet pas de s’engager pleinement.
Pourquoi les jeunes doivent combattre ces paradoxes
Les jeunes ne peuvent pas se permettre de baisser les bras. Il en va de leur avenir. Rester passifs face à ces injustices, c’est accepter que d’autres décident pour eux, qu’ils soient condamnés à subir des politiques publiques mal adaptées à leurs réalités.
Lutter pour abaisser l’âge légal de vote ou pour inclure davantage de jeunes dans les processus décisionnels, ce n’est pas un caprice. C’est une nécessité démocratique. Plus tôt les jeunes participent, plus tôt ils acquièrent les compétences pour devenir de véritables leaders.
Comme le disait Jean-Jacques Rousseau : « Les jeunes ne sont pas les porteurs de demain, ils sont les bâtisseurs d’aujourd’hui. » Refuser leur implication politique, c’est priver une société de sa plus grande force motrice : sa jeunesse.
Quelques pistes pour agir

Que peuvent faire les jeunes face à ces injustices ? Voici quelques idées :
1. Plaidoyer collectif : Se regrouper dans des organisations de jeunesse pour faire entendre leurs voix. Les campagnes de sensibilisation sur l’abaissement de l’âge de vote, comme cela s’est fait dans d’autres pays, peuvent porter leurs fruits.
2. Engagement communautaire : Même sans droit de vote, les jeunes peuvent s’impliquer dans des initiatives locales, prouvant ainsi leur maturité et leur capacité à changer les choses.
3. Éducation civique : Investir dans l’apprentissage des droits et des devoirs pour mieux maîtriser les leviers politiques. La connaissance est une arme puissante.
4. Utilisation des médias : Les réseaux sociaux, les blogs, les podcasts peuvent servir de tribunes pour dénoncer ces paradoxes et mobiliser d’autres jeunes.
Un appel à l’action : le temps du changement est venu
Le Cameroun a besoin de ses jeunes. Non pas comme une force silencieuse et obéissante, mais comme des acteurs engagés, prêts à façonner un avenir meilleur. Ce combat ne concerne pas seulement les jeunes eux-mêmes ; il interpelle toute la société. Parents, enseignants, décideurs : chacun a un rôle à jouer pour briser ces barrières.
Il est temps de faire confiance à la jeunesse, de reconnaître qu’elle n’est pas une menace, mais une opportunité. Réformer les politiques publiques pour inclure les jeunes, c’est garantir un avenir où chaque citoyen, quel que soit son âge, a la possibilité de contribuer à la construction de la nation.
Comme le résume si bien Micheline : « Ce que nous voulons, ce n’est pas un privilège. C’est simplement une chance d’être entendus. » À nous tous de lui donner cette chance.
Elsa Rose N. Cheping.