FIRST LOVE
Chapitre 6
Aïe 😬
À la fin du match, l’atmosphère est électrique. Les joueurs se rassemblent au centre du terrain, bras levés, souriant, criant de joie. Les supporters, en liesse, les acclament, tandis que d’autres applaudissent avec respect les efforts des joueurs adverses.
Le coup de sifflet final résonne, et une vague de satisfaction inonde les gradins.
Victoire et Hilaire se tournent vers moi, les yeux brillants d'excitation.
__ Tu as vu ça ?! s’exclame Hilaire, l'enthousiasme débordant. _ Ils ont tout déchiré !
Marissa doit-elle le confronter ?
Je hoche la tête, mon regard captif d’Yvan, qui est entouré de ses coéquipiers. Il rigole, encore essoufflé, mais dans ses yeux, cette lueur ne trompe pas. Il est fier, terriblement fier. Un frisson me parcourt, une étrange sensation m'envahit, comme si ce moment n'était pas juste une victoire.
Non, c'est plus que cela. C’est une porte qui s’ouvre sur son univers à lui.
__ Tu veux y aller ? me demande Victoire, me tirant doucement par le bras.
__ Pourquoi pas ?!
On se dirige vers les vestiaires pour aller le féliciter. À peine arrivés, on le voit sortir, essuyant son visage avec une serviette. Dès qu’il nous aperçoit, il s’avance vers nous, son sourire éclatant.
__ Alors, vous avez aimé le match ? Il demande, sa voix trahissant un brin d’incertitude.
Je sens mon cœur battre plus fort, mais je réponds avec un sourire sincère :
__ Oui, c'était génial. Vous avez assuré.
__ Génial ? Ils étaient phénoménaux.
Lance Hilaire, les yeux écarquillés, comme hypnotisé par la performance.
__ Ça, tu peux le dire... ajoute Victoire, admirative.
Yvan se frotte la nuque, un peu gêné, mais son sourire ne quitte pas ses lèvres.
__ Merci… C’est grâce à l’équipe.
Il semble vouloir ajouter quelque chose, mais ses coéquipiers arrivent et l'embarquent pour célébrer la victoire.
__ Allons l'attendre dehors, propose Hilaire, et nous partons vers la sortie.
Une demi-heure plus tard, il émerge avec deux autres gars que je reconnais du stade. Il nous aperçoit et s’approche, un sourire chaleureux sur le visage.
__ J’ai cru que vous étiez partis, dit-il en s’approchant de nous.
__ Comment ça ? On est venus te voir jouer, je te rappelle, réplique Hilaire, une touche de taquinerie dans la voix.
__ Ah, d’accord, désolé.
Yvan se tourne alors vers ses coéquipiers et les présente. Après quelques échanges, il nous invite à dîner. Hilaire et Victoire montent dans le véhicule de Samuel, un autre ami d’Yvan, tandis que je prends place dans le sien avec son autre coéquipier.
Le trajet vers le centre-ville se déroule dans un silence presque lourd, et, en arrivant à Bonanjo, l'ami d'Yvan descend en lançant :
__ On se capte à l’entraînement !
__ Ça marche, répond Yvan.
Je sens une légère tension se formant en moi. Dès que le chauffeur redémarre, je me tourne vers Yvan avec une question qui me trotte dans la tête.
__ J’espère qu’il ne part pas à cause de moi...
Il sourit, un sourire apaisant.
__ Non, ne t’inquiète pas. Il va voir sa copine.
__ Ah, d'accord.
Je me détends immédiatement. Il semble le remarquer et sourit discrètement. Le reste du trajet se déroule dans un silence confortable.
Lorsque nous arrivons au restaurant, il sort en premier et m'ouvre la portière.
En entrant, je remarque que le personnel le salue tous respectueusement, un petit air de famille entre eux. Cela m'intrigue.
__ Tu viens souvent ici ? je lui demande, curieuse.
Sa réponse me surprend.
__ Le restaurant appartient à ma mère.
__ Ah, je vois !
Il m'invite à une table, et nous nous installons. À peine dix secondes plus tard, les autres arrivent et prennent place autour de nous. On commande à manger et engageons la conversation sur divers sujets, mais je n'arrive pas à m’empêcher de me demander qui est vraiment Yvan.
Au milieu du repas, je ressens une envie pressante et me rends aux toilettes. En revenant, je vois une notification sur mon portable. Je le déverrouille et lis le message. Il me glace le sang. Je range rapidement mon portable, tentant de me concentrer sur la conversation.
Victoire, assise à côté de moi, se penche et me chuchote à l’oreille :
__ Tout va bien ?
Je force un sourire.
__ Ça va… rien de grave.
__ D’accord.
Elle se détourne et se replonge dans la discussion, mais moi, je n’arrive pas à effacer ce message de ma tête. Le dîner continue, mais je n’écoute plus vraiment.
Quand le repas touche à sa fin, nous décidons de rentrer. Yvan se propose de nous déposer. Hilaire et Victoire sortent en premier quelques minutes après, et lorsque nous arrivons devant le domicile de mes parents, je le remercie, prête à m'en aller à mon tour.
__ Marissa...
Il m’interpelle, et je m’arrête, le cœur battant.
__ Oui, Yvan ?
__ Ça m’a fait vraiment plaisir de te voir aujourd’hui, au stade.
__ J’ai adoré aussi. Tu vas être un grand footballeur, comme Samuel Eto'o.
Il sourit largement.
__ C’est mon objectif !
Un silence s’installe entre nous, lourd de non-dits. Il brise finalement ce moment.
__ Dans les jours qui viennent, je serai moins présent en cours, mais si tu veux qu’on reste en contact… n’hésite pas à m’écrire.
__ D’accord.
__ Cool !
Il semble vouloir ajouter quelque chose, mais juste à ce moment-là, Dylan apparaît. Le temps semble se figer. Il nous observe, son regard froid, presque accusateur. Quelques secondes passent, puis il repart, sans un mot.
Son attitude me déstabilise. Elle contraste tellement avec ses paroles du matin, et je suis perdue dans un tourbillon de pensées contradictoires.
__ Ça va ?
Me demande Yvan, un léger sourire sur les lèvres.
__ Oui, tout va bien. À plus !
Je réponds vite, presque trop rapidement, et m’éclipse, me réfugiant dans ma chambre. J’ai passé une journée incroyable, mais il a fallu que je le vois pour que tout se complique.
Si seulement je pouvais oublier, si c’était aussi simple… Alors que je tente de me vider la tête, je reçois un autre message de lui. Je l'ouvre instantanément.
" Tu fais une erreur si tu crois pouvoir m’oublier avec un autre."
L’écran de mon téléphone me brûle presque les doigts. Je relis encore et encore ce message, incapable de le croire.
"Tu fais une erreur si tu crois pouvoir m’oublier avec un autre."
Ces mots m’emplissent de colère, de confusion, mais aussi de peur. Dylan. Pourquoi maintenant ? Pourquoi toujours au moment où je commence à croire que je peux aller de l’avant ?
Je pose le téléphone sur ma table de chevet et m’assieds sur mon lit, fixant la fenêtre. Les lumières des réverbères projettent des ombres mouvantes sur les murs de ma chambre, mais rien ne peut adoucir le chaos dans ma tête.
Je ferme les yeux, cherchant à me calmer, mais son message tourne en boucle, comme une chanson que je ne peux pas arrêter.
Un coup léger à ma porte me fait sursauter.
— Marissa ? C’est maman. Tu es rentrée tard. Tout va bien ?
Je respire profondément, forçant ma voix à rester calme.
— Oui, maman, tout va bien. Bonne nuit.
— Bonne nuit, ma chérie.
Quand ses pas s’éloignent, je m’allonge sur le dos, fixant le plafond. Ce message n’aurait pas dû me toucher autant. Pourtant, il me glace. Il n’est pas seulement un rappel de Dylan, c’est un avertissement, une sorte de menace déguisée, et je ne sais pas quoi en penser.
Je repense à la journée. Au sourire d’Yvan quand il est sorti des vestiaires. À son rire chaleureux quand on a parlé au restaurant. À la douceur de son regard lorsqu’il m’a raccompagnée.
Tout cela me semblait tellement simple, tellement évident. Mais Dylan… Dylan avait toujours eu ce pouvoir de rendre tout compliqué.
Je jette un coup d’œil à mon téléphone.
La tentation de répondre est forte, mais je sais que c’est une mauvaise idée. Je ne veux pas lui donner cette satisfaction.
Je soupire, remonte la couverture jusqu’à mon menton, et ferme les yeux. J’essaie de penser au match, à la victoire d’Yvan, à cette lueur de fierté dans ses yeux. Mais, au fond de moi, je sais que ce message a réveillé des souvenirs que je n’ai jamais vraiment laissé derrière.
Et même si je refuse de répondre, je sais aussi que cette histoire avec Dylan est loin d’être terminée. Je ne peux pas l’ignorer éternellement.
***
La semaine suivante, je prends de nouvelles résolutions. Ignorer Dylan et oublier tout ce qu'on s'est dit. Il ne doit plus être le centre de ma vie, et je vais lui prouver cela. Cet après-midi, lors du cours d’EPS, je décide de tout donner.
On a athlétisme au programme. Le professeur nous annonce une course sur 800 mètres. Ce n’est pas ma discipline préférée, mais aujourd’hui, je suis déterminée à dépasser mes limites, à évacuer cette frustration qui bouillonne en moi.
Je m’échauffe aux côtés de Victoire, ma camarade d’habitude si bavarde. Mais je reste silencieuse, les yeux rivés sur la piste. Elle me jette un coup d’œil interrogateur mais ne dit rien.
Le coup de sifflet retentit. Je m’élance, mes jambes s’activent comme si ma vie en dépendait. Je ressens la brûlure dans mes poumons, le vent qui balaie mon visage, et la tension dans mes muscles. Tout ça m’aide à oublier, à libérer ce poids sur ma poitrine.
À mi-parcours, mon souffle devient court, mes forces diminuent. Je ralentis malgré moi et vois quelques concurrentes me dépasser. Serrant les dents, je puise dans mes dernières réserves, refusant d’abandonner. Finalement, je franchis la ligne d’arrivée à la troisième place, le cœur battant à tout rompre.
Des applaudissements éclatent derrière moi. Les garçons, qui attendaient leur tour, observent la scène. Parmi eux, Dylan s’avance et me tend une bouteille d’eau, l’air inquiet.
— Tu aurais pu te faire du mal... Ne fais plus ça ! lâche-t-il, sa voix pleine de reproches.
— Pourquoi tu ne me lâches pas la grappe ?! rétorqué-je, essoufflée, avec un ton sarcastique.
— Prends soin de toi, tu n’as rien à prouver.
Je m’apprête à répondre, mais il pose la bouteille qu’il a déjà ouverte sur mes lèvres.
— Bois et va te reposer, ordonne-t-il doucement.
Irritée par son attitude, je frappe violemment la bouteille de sa main. Elle atterrit au sol dans un bruit sourd, attirant aussitôt tous les regards.
— Fiche-moi le camp, Dylan ! Tu ne comprends pas ça ou quoi ?!
Sans attendre sa réponse, je me détourne et traverse les regards curieux et les murmures de nos camarades.
#Ms
Plus tard, après le cours, je file dans les toilettes pour me changer. Alors que je retire ma culotte de sport, un groupe de filles entre et bloque la porte.
— Qu’est-ce que vous faites ? demandé-je en les fixant avec méfiance.
L’une d’elles s’avance, les bras croisés, me jetant un regard noir.
— Tu te prends pour qui pour repousser Dylan ? Tu ne lui arrives même pas à la cheville, claque-t-elle. Je ne sais pas ce que tu lui as fait pour qu’il commence à s’intéresser à toi, mais tu as intérêt à ne plus l’humilier comme ça.
Je reste sans voix un instant, choquée par son agressivité.
— Sinon quoi ?
— Sinon, on va refaire ton portrait, petite.
Je ne montre aucun signe de peur, pourtant je devrais.
— Faites-le alors. Et pendant qu’on y est, dites-lui de me laisser tranquille, ça m’arrangerait.
L’une des filles éclate de rire, un son froid et moqueur.
— Tu te prends pour qui, sérieusement ? Depuis des années, tu lui cours après, et maintenant, tu joues les indifférentes ? C’est une nouvelle stratégie pour l’avoir ? Quoi qu’il en soit, reste loin de lui.
— Vous pouvez le garder, il ne m’intéresse pas, rétorqué-je calmement. Maintenant, si vous avez fini, vous pouvez sortir ? J’aimerais me changer.
Leur chef, sans que je m’y attende, lève la main et me gifle violemment.
— Ceci est juste un avertissement.
Ses acolytes éclatent de rire, puis elles quittent la pièce. Je reste figée, les joues brûlantes, à la fois de douleur et d’humiliation.
Je me tourne vers le miroir et constate que ma joue a déjà enflé. Les larmes montent, mais je les ravale. Victoire entre à cet instant et s’arrête net en me voyant.
— Qu’est-ce qui s’est passé ?
Je lui explique tout, la voix tremblante. Elle insiste pour que je signale l’incident au surveillant général, mais je secoue la tête.
— Laisse tomber. Ça ne changera rien.
Elle reste silencieuse un moment, puis pose une main rassurante sur mon épaule.
— Tu mérites mieux que tout ça, murmure-t-elle.
Mais en cet instant, je ne suis sûre de rien.