Kribi ou le règne de l'anarchie urbaine ?

Kribi, la belle cité balnéaire attire depuis le début de son industrialisation des investisseurs de tous les horizons. La ville est aussi le lieu de villégiature de l'élite politique et administrative du pays qui investit sur des résidences secondaires voire des projets générateurs de revenus. Cette mutation du paysage de la ville a par contre favorisé une fulgurante anarchie, mettant en péril son avenir. La ville, pourtant encore dans sa genèse, fait face à une urbanisation désordonnée qui suscite de vives inquiétudes.

La loi camerounaise sur l’urbanisme (section II, article 9) est claire : les zones exposées aux risques naturels (inondations, érosion, éboulements) ou situées sur des aires écologiquement protégées sont inconstructibles. Pourtant, le long des plages de Kribi, des constructions en matériaux définitifs fleurissent littéralement au bord des vagues. À l’intérieur des terres, ce sont les drains et marécages qui disparaissent sous des habitations ou des commerces. Ironiquement, nombre de ces édifices appartiennent à ceux-là mêmes qui sont censés faire respecter les lois.

Les conséquences à long terme sont catastrophiques :

- Risques environnementaux accrus avec, la destruction des zones tampons (plages, marécages) qui aggrave l’érosion côtière, exposant les constructions et les populations à des vagues dévastatrices.

- Inondations chroniques : Avec les drains obstrués, la moindre pluie peut devenir un cauchemar, paralysant une ville sans système d’évacuation existant.

- Dévalorisation touristique : L’image d’une station balnéaire prisée peut s’effondrer au profit d’une impression de cité du désordre et de négligence.

Kribi est encore loin de cette ville moderne dont nous rêvons tous. Ses marchés sont chaotiques, les parkings inexistants, les services des agences de voyages laissent à désirer, et les taxis-motos se disputent l’espace avec les voitures dans un cafouillage permanent. À terme, cela impactera la qualité de vie et le développement global de la ville.

Les dysfonctionnements observés trouvent leurs racines dans l’irresponsabilité collective. D’une part, les autorités administratives et municipales délivrent des autorisations de construction sur des zones pourtant jugées inappropriées. D’autre part, certains citoyens, mus par l'instinct de survie, vendent des terrains sans considérer les normes en vigueur.

Le Cameroun n’est pourtant pas étranger aux conséquences de la mauvaise planification urbaine. À Douala, les constructions anarchiques sur les drains et les zones marécageuses conduisent à des inondations meurtrières chaque année. À Limbé, la pollution côtière nuit à la pêche et au tourisme, deux secteurs vitaux pour l’économie locale. On peut dire que Kribi n'a pas tiré de leçons suffisantes sur ces deux villes aux caractéristiques géographiques et économiques similaires.

Kribi est une chance pour le Cameroun. Son potentiel touristique et économique est immense, mais il risque d’être gâché par un manque de vision et le mépris des règles. Aux politiques de montrer l’exemple, aux citoyens de s’engager pour protéger leur ville, et à tous de comprendre que ce désordre urbain est une bombe à retardement.