L’économie du deuil en Afrique

Dans notre Afrique, la mort ne se résume pas seulement à un moment de tristesse, de recueillement et de compassion. Certains y voient un moyen efficient pour capitaliser. Oui parce que derrière chaque deuil en Afrique plus particulièrement ici au Cameroun, se cache une véritable industrie.
Il faut s’occuper du corps.
Je ne sais pas si c’est pareil dans d’autres pays en Afrique, mais ici au Cameroun quand quelqu’un décède, il faut prendre minutieusement soin du corps. En plus de la paperasse, il faut gérer les frais de morgue qui varient souvent en fonction du standing de la morgue ou de l’infrastructure sanitaire. Il faut gérer les frais d’entretien pour le corps. Oui parce que même si tu as déjà payé tous les frais légaux, tu crois que le thanatopracteur va manger dans la poubelle ? Hein ? Il faut donc récupérer son contact orange Money où de temps en temps, tu lui feras des mains levées pour qu’il puisse bien laver le corps de ton proche, l’injecter à chaque fois la dose suffisante de formol, et ce, jusqu’au jour prévu pour la levée. Ensuite, il faudra s’occuper de l’apparence du mort. Vous verrez des familles acheter des costumes ou des robes à hauteur de centaines de milles de FCFA. Certaines familles feront recours aux services d’une maquilleuse professionnelle uniquement pour le mort. Tsuipp !!! Toutes ces dépenses c’est sans compter les prix du cercueil et de la location du corbillard qui s’élèvent aussi à des centaines de milles voire même le million et plus.
Il faut s’occuper des prestataires.

Vous croyez que quand vous allez mourir les gens viendront forcément à vos obsèques par compassion ou par affinité avec vous ou vos proches ? Hein ?? Eh bien non ! Il y a des Camerounais comme mon mentor Ecclésiaste Deudjui qui viendront uniquement parce qu’ils savent qu’ils pourront siffler correctement leurs petites Guiness, danser le bon mutumbu et déchirer de gros morceaux de viande. Dans un deuil, il est donc primordial pour la famille du défunt de s’occuper des différents prestataires. Il faut budgétiser le service traiteur, la boisson, et le café de la veillée. Il faut gérer le pasteur qui viendra réciter la prière lors de la veillée et avant l’enterrement. Il faut s’occuper des différentes animations (Dj, fanfare, et parfois les groupes de danse traditionnelle), oui parce que dans certains deuils de nos jours, on ne pleure presque plus. On écoute des chansons de malhox , et d’autres comme mon ancien meilleur ami Herman Ngameni préfèrent coller sérieusement la petite jusqu’à la déshabiller dans des motels loués pour la circonstance. Aux obsèques de vos proches, il faut donc vous assurer qu’il ait suffisamment à boire, à manger et de quoi maintenir vos invités éveillés pendant la veillée, et dans certains deuils, on se permet même de vous remettre des paquets pour la route.
L’économie du deuil en Afrique

En Afrique, on a réussi à transformer un événement malheureux en une véritable industrie. Le deuil est devenu pour certains, un moyen efficient de se faire de l’argent. Il y a les prestataires ! Ici, chez nous, si tu veux qu’on dise que « Ton deuil a réussi. » Occupe-toi bien des prestataires. Il doit avoir suffisamment à manger et à boire. Il y a ceux qui font du business ! Certains membres de la famille n’ hésiteront pas à faire des bénéfices sur la vente des pagnes, des t-shirts, des macarons et autres accessoires. Il y a ceux qui s’endettent. Vous verrez des gens courir dans les réunions pour obtenir des prêts de sommes conséquentes. Enfin, il y a ceux qui finissent ruinés. Parce que certains profitent des obsèques pour hausser les épaules ou pour faire du « prouving » comme on dit communément au quartier. C’est après le décès d’un proche qu’ils vont choisir construire ou rénover la maison du village, l’équiper et d’autres payeront même pour des pierres tombales pour la construction de la dernière demeure. Un luxe pourtant inédit pour le défunt.
Christian Deutou : « Mourir coûte cher. » Article publié sur www.wutsi/@/leswandaseries Contact : 237 652502916 / 697972151