Kathy Sambah se confie : « Mbalmayo représente tout pour moi.»
Kathy Sambah, une jeune Camerounaise de 26 ans, incarne une passion profonde pour la culture et une sensibilité aiguë aux enjeux de la sauvegarde du patrimoine linguistique. En tant que fondatrice de la plateforme "Une folle des langues", elle promeut les langues locales et leur richesse. De plus, elle a initié le "Camp retour aux sources", une colonie de vacances annuelle destinée aux enfants, visant à les reconnecter avec leurs racines culturelles. Dans cette interview, Kathy partage ses réflexions sur l'importance de l'identité culturelle et les défis du tourisme au Cameroun.

Voyage en hauteur : Pourquoi avoir choisi de mettre sur pied la plateforme " Une folle des langues" ?
Au départ, "Une folle des langues" c'était juste pour partager avec les internautes mon amour pour les langues de manière globale. Cependant, la véritable motivation vient d'un constat clair : la langue, en tant que moyen de communication et premier vecteur de transmission de culture, est devenue un obstacle qui menace la paix. Nous avons l'impression d'être différents, et parfois même, nous nous sentons supérieurs à l'autre.

Il y a des incompréhensions aujourd'hui parce que nous ne nous comprenons pas. Apprendre la langue de l'autre, c'est apprendre à le connaître. Dans notre contexte, les jeunes et les parents ne parlent pas suffisamment leurs langues. Certaines langues sont en voie de disparition, car le nombre de locuteurs diminue un peu plus chaque jour.
"Une folle des langues" se veut être une plateforme d'apprentissage, de revalorisation et d'échanges autour des langues.
Voyage en hauteur : S'il fallait ériger une langue locale comme langue officielle au Cameroun, laquelle choisirais-tu ?
Choisir une langue locale comme langue officielle au Cameroun est un défi, mais si je devais faire un choix, ce serait la langue duala. J'apprécie cette langue pour sa beauté, ainsi que pour sa prononciation et sa syntaxe accessibles. Elle reflète une richesse culturelle et historique qui mérite d'être valorisée et promue.
Voyage en hauteur : Parles-nous de Mbalmayo ta ville natale (culture, peuple, langue, attractions touristiques, etc.)
Mbalmayo représente tout pour moi. C'est là que tout a commencé : les langues, les poèmes, le tourisme, et cet amour que j'ai pour la culture aujourd'hui. C'est une petite ville en pleine expansion, habitée par l'une des populations les plus accueillantes du pays.
On y parle l'ewondo. Concernant la gastronomie locale, le ndomba de poisson accompagné d'un verre de matango au bord du Nyong fait notre fierté.

Il y a tant à visiter là-bas ! La cathédrale Notre-Dame du Rosaire et le rocher Vimli sont parmi les attractions emblématiques de Mbalmayo. Sans oublier Thalassa Beach, le sanctuaire marial et le carrefour Lion. Il suffit d'avoir un bon guide pour découvrir toutes les merveilles de la ville.
Le "Camp retour aux sources" est notre modeste contribution pour répondre à la crise identitaire croissante.

Voyage en hauteur : Depuis 2021, tu as mis sur pied le "Camp retour aux sources". Qu'est-ce qui a motivé cette initiative ?

Le "Camp retour aux sources" est notre modeste contribution pour répondre à la crise identitaire croissante. De nombreux jeunes peinent à comprendre qui ils sont, car l'éducation moderne a souvent déconnecté nos racines. Nos villages, de plus en plus délaissés, sont souvent entourés de préjugés. À travers ce camp, nous souhaitons non seulement transmettre aux plus jeunes ce que nous avons appris, mais aussi leur montrer qu'ils peuvent affronter le monde tout en restant fidèles à eux-mêmes.
Voyage en hauteur : En quatre éditions quel est le moment qui t'a le plus marqué ?
En quatre éditions, ce qui m'a le plus marqué, et continue de me toucher à chaque fois, ce sont les enfants que nous accueillons. Nous apprenons tant d'eux ! S'ils aiment, on le sait ; s'ils n'aiment pas, on le sent. Ces enfants deviennent comme une deuxième famille.

Voyage en hauteur : Quels sont les retours des campeurs ?
Le moment le plus difficile est toujours la séparation... Jusqu'ici, nous avons reçu de bons retours, malgré les imprévus et les erreurs. Ces retours encourageants nous motivent à nous améliorer et à nous surpasser. Nous avons aussi des parents très compréhensifs, et même si nous prenons du temps pour organiser, ils n'hésitent pas à nous mettre la pression.

"Il y a encore beaucoup à faire pour intégrer la culture du tourisme au Cameroun."
Voyage en hauteur : D'après toi quelle est la plus belle destination touristique du Cameroun ?
D'après moi, les meilleures destinations touristiques du Cameroun sont à l'Ouest. Chaque site y est unique, tant par son architecture que par ce qu'il propose. Bien qu'il y ait de magnifiques sites touristiques au Cameroun, ma destination coup de cœur actuelle est l'Ouest. Les sites sont bien aménagés et entretenus, et l'accueil ainsi que la prise en charge sont impeccables.
Voyage en hauteur : A ton avis quelles sont les difficultés du tourisme au Cameroun ?
À mon avis, nous n'avons pas encore véritablement intégré ce qu'est le tourisme au Cameroun et ce que cela implique réellement. Il existe des sites touristiques, mais les Camerounais n'ont pas vraiment cette culture d'envoyer leurs enfants en colonie pendant une semaine avec des inconnus. De plus, peu de gens prennent un week-end pour aller à Limbe ou à Kribi. Il reste encore beaucoup à faire.