Nouvelle crise sociale à Kribi : Incompétence ou manque de volonté ?
Mercredi 25 septembre 2024, les populations des villages de Lendè Dibè, d’Eboundja 1 et 2 ont manifesté, paralysant la nationale n°7 qui dessert le port autonome de Kribi. Leur revendication principale : plusieurs jours de coupures d'électricité, une situation qui met en question la bonne gouvernance et la réactivité des autorités ainsi que des responsables de la société de distribution d’électricité.
Il est légitime de s'interroger sur la volonté et la compétence des autorités administratives départementales sur les questions de gestion de crise. En effet, cette manifestation est loin d'être un cas isolé. Il y a à peine quelques mois, les populations de Bongahelè, à Grand Batanga, avaient également érigé des barricades en réaction à des délestages prolongés. À chaque fois, les responsables semblent ignorer l'ampleur de la situation, préférant recourir à des menaces à l'encontre des chefs de villages plutôt qu'à des solutions structurelles.
Cela soulève une question majeure : est-ce de la mauvaise foi ou un aveu d’incompétence ? Il est difficile de croire que les autorités ne soient pas informées d’un tel malaise social, surtout dans un pays où le renseignement est réputé rapide et efficace. Ignorer ces événements ou minimiser leur impact revient à négliger les devoirs fondamentaux de l’État et à compromettre la stabilité sociale.
Au-delà des problèmes d’électricité, cette crise met en lumière une autre réalité : le sentiment d'abandon et de discrimination ressenti par les minorités côtières de Kribi-Campo. Depuis quelques années, leurs revendications sont ignorées, notamment en ce qui concerne l'emploi des jeunes dans les grands projets économiques et industriels. Bien que la région abrite des infrastructures majeures, comme le port autonome de Kribi et de nombreuses entreprises, les populations locales sont largement exclues des opportunités d'emploi. Les rares autochtones (on les compte au bout des doigts) recrutées sont souvent sélectionnées sans transparence, et les listes de recrutement semblent être dictées depuis la capitale, Yaoundé, sans tenir compte des communautés locales.
Cette discrimination perçue est aujourd'hui un obstacle majeur à la cohésion sociale. Les chefs traditionnels ont fait des démarches formelles pour rencontrer les responsables des différentes entreprises présentes dans la zone industrielle, mais leurs demandes sont systématiquement ignorées. Cela reflète un manque flagrant de dialogue et une absence de prise en compte des besoins locaux.
Pour les entreprises opérant dans cette zone industrielle, il est impératif de comprendre que la meilleure manière d'améliorer les conditions de vie des populations riveraines est de leur offrir des opportunités économiques. L'insertion professionnelle des jeunes des villages riverains devrait être au cœur des politiques de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Un jeune salarié n’aura pas besoin d'assistance médicale gratuite dans des infrastructures sous-équipées, et les initiatives ponctuelles, comme des tournois de football, ne suffiront pas à améliorer sa condition de vie.
Cette situation appelle à une réflexion profonde de la part des autorités camerounaises, des investisseurs étrangers et des dirigeants des entreprises déjà présentes sur le terrain. Ignorer les revendications des populations locales n'est pas seulement un manquement aux principes de justice sociale, mais c'est aussi un risque pour la stabilité et le succès à long terme des projets économiques implémentés par le Chef de l'État dans la région.