Dans la peau d'un cacaoculteur camerounais
Si seulement j'avais eu foi en la fameuse phrase de notre président : « La terre ne trompe pas. », et je m'étais investi à fond dans la production du cacao, c'est que je pourrais me permettre aujourd'hui, d'envoyer mon oncle Ecclésiaste Deudjui acheter la boisson lors d'une assise familiale, vous savez pourquoi ? Parce que les prix du kilo ont connu une ascension fulgurante ces derniers mois. 5 500 FCFA le kilo chez le producteur. Du jamais-vu !
Pourquoi une telle augmentation ?
La hausse significative du prix du cacao cette année sur le marché est principalement due à une combinaison de facteurs. Tout d'abord, la demande mondiale pour le cacao n'a cessé d'augmenter, notamment en raison de la popularité croissante du chocolat et des produits dérivés du cacao. En parallèle, des conditions météorologiques défavorables dans certaines régions productrices ont impacté la production, entraînant une offre plus limitée. De plus, des fluctuations sur le plan économique et des difficultés logistiques ont également contribué à cette hausse des prix. Cette conjonction de facteurs a créé un marché du cacao plus compétitif et des prix plus élevés pour les producteurs et les acheteurs. Cependant, il faut retenir qu'en Côte d'Ivoire (premier producteur mondial) le prix du kilo est resté à 1000 FCFA une stratégie du gouvernement qui entraînera une augmentation et une constance dès l'année prochaine.
Dans la peau d'un cacaoculteur camerounais
Pour avoir passé six années dans la localité de makénéné où le cacao fait partie des cultures phares, j'ai réussi à assimiler les comportements des producteurs pendant les périodes de récoltes et les ventes. À l'époque, les prix n'avaient pas atteint ce niveau, ils variaient entre 500 et 1500 FCFA, mais c'est quand un patriarche vendait son cacao qu'il devenait subitement "Ancien père yor" et va se permettre les dépenses les plus folles. Tu vas voir un colon remplir sa maison d'objets tech dernière génération, pourtant, il ignore totalement le fonctionnement. Tu vas le voir courir dans une boutique du coin pour se procurer un Tecno camon, pourtant il n'arrive pas à enregistrer un simple numéro dans un téléphone « Tchoroncko ». C'est pendant les périodes de récoltes, que les couples redeviennent totalement amoureux, et passent des nuits entières dans les bars à boire et manger la viande de brousse. Les enfants sont chéris, et c'est à cette période que certains voient même leurs frais de scolarité totalement payés.
Mais le plus triste dans tout ça, c'est que malgré les énormes ventes, certains producteurs se retrouvent l'année d'après à tourner auprès des microfinances pour obtenir un prêt pour l'entretien des plantations.
Dans la peau d'un "cocksseur"
Le terme cocksseur est utilisé pour désigner les acheteurs directs de la fève. Pendant les récoltes, ces business men sont toujours prêt à faire un achat peu importe la provenance du produit. Ils sont capables de se lever à 3 H du matin pour acheter à moindre coût un cacao fraîchement volé. D'autres vont même encore plus loin et achètent le produit quand il est encore frais. La vraie sorcellerie ! C'est à cause d'eux que certains planteurs passent des nuits éveillées étant armée à surveiller leurs récoltes de peur qu'elles ne soient volées et revendues sans trace. C'est aussi à cause d'eux que chaque année les jeunes de la ville se retrouvent en détention, car ils savent que lorsqu'ils commettront des forfaits, il y aura toujours un receleur prêt à débourser la somme qu'il faut pour la marchandise.
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