Le Centre national de réhabilitation des personnes handicapées a 50 ans
Que peut-on retenir du Centre National de Réhabilitation des personnes Handicapées de Yaoundé depuis sa création?
Le Centre de Réhabilitation des Personnes Handicapées est le lieu par excellence de rééducation physique des personnes ayant été victime d'un handicap. En général, il a été conçu pour les cas de handicap physique des membres (supérieurs et/ou inférieurs). Cinquante ans après sa création par le Cardinal Canadien Paul Emil Leger, il reste toujours la référence dans ce domaine au Cameroun. Cependant, malgré la place qu'il occupe, il existe un grand déficit en termes de réponses à la grande demande de plus en plus récurrente. Quelle est sa capacité de satisfaction de la demande ? C'est l'occasion ici de faire un bilan des activités du CNRPH en 50 ans d'existence.
Le clou des festivités de ce cinquantenaire est une soirée de gala. Elle a lieu le 19 juin prochain dans la ville de Yaoundé. L’objectif consiste à lever des fonds au bénéfice de l’appareillage à moindres coûts de 1.000 sujets en situation de handicap. Au-delà des discours et du faste de l’actuel cinquantenaire, le bilan et les perspectives du Centre au profit des personnes handicapées, bénéficiaires directes, méritent une évaluation ne serait-ce que sommaire.
Un demi-siècle de satisfaction en faveur du handicap. Les registres renseignent sur plus de :
- 110 mille consultations durant la dernière décennie. Le tableau d’honneur a la fierté de ses chiffres. Près de
- 4.000 bénéficiaires des accompagnements psychosociaux, près de
- 10 mille appareils et accessoires de déambulation au service de la mobilité des personnes handicapées, près de
- 2.000 lauréats de l’éducation spéciale et inclusive, 580 reconversions à des métiers adaptés et près de
- 3.000 interventions chirurgicales.
Les chiffres séduisent. Mais les personnes averties cessent de sourire à l’application des valeurs réelles. D’abord, le Cameroun traine le fardeau d’au moins deux millions de personnes handicapées, soit 10% de la population. Le Centre national de réhabilitation des personnes handicapées est en droit de faire valoir l’argument crédible de la modicité des moyens à son action ; laquelle échoue d’ailleurs à améliorer la perception du reste du monde sur les personnes handicapées.
Elles demeurent ces éternels assistés et ces partisans du moindre effort. Rejet et discrimination continuent de les accabler et aggravent davantage les inégalités sociales. Les personnes handicapées sont dernières dans l’échelle des minorités sociales loin derrière les femmes, les jeunes, les malades et le troisième âge, et tout juste devant les fous.
Les errements de la science, bien au départ, avaient d’ailleurs déjà classé le handicap dans la catégorie des troubles de santé mentale. Les instances internationales ont longtemps revu leur copie. Rien n’y fait. L’Afrique traditionnelle s’aveugle de manière encore plus invalidante à y percevoir un problème de sorcellerie. Par conséquent, naitre et vivre dans le drame du handicap développent, chez les âmes infirmes, la honte de sa propre personne et l’auto-destruction de sa dignité.
Le Centre national de réhabilitation des personnes handicapées a, en perspective, besoin d’aider ses bénéficiaires directs à remporter leur guerre intérieure. Sa plus belle des victoires, la personne handicapée doit la gagner contre elle-même. Les cinq sens sont parfois touchés. La personne handicapée peut trouver inspiration dans le sixième sens pour se vider d’une amertume maladive et aller à la conquête du monde via un mental de valide. Un corps de handicap est toujours habile à organiser des compensations internes en cas de perte définitive d’un membre.
Le Centre national de réhabilitation des personnes handicapées gagne aussi à éduquer ses usagers. Ils éprouvent de la pitié pour les personnes handicapées. Cette attitude est en soi une infirmité à plaindre. Un Centre national induit des représentations régionales et/ou départementales. 50 ans plus tard, il faut des Etoug-Ebe dans les 58 départements et les 360 arrondissements du Cameroun. La personne handicapée ne boite pas seulement à Yaoundé. Cette centralisation de l’infirmité est de nature à transformer la boiterie en vantardise chez les élus de la capitale.
Chronique société de Télesphore Mba Bizo, lu au poste national de la Crtv (Yaoundé).