Hommage : qui était Bernard Njonga ?
Bernard Njonga, un hommage qui vaut son pesant dor!
Les Camerounais ont appris avec stupéfaction le décès de Bernard Njonga survenu le 21 février 2021 au Chu d'Amiens en France des suites d’une longue maladie. Bernard Njonga est l’une des personnalités qui a secoué le Cameroun dans la décennie de 2000 à 2010. Même jusqu’en 2018, il faisait encore parler de lui. Mais, qui était Bernard Njonga ? C’est la question que beaucoup de Camerounais se posait à la suite du décès de celui qu’on appelait « le José Bové du Cameroun ».
Bernard Njonga était cet ingénieur agricole sorti de l’École nationale supérieure agronomique (ENSA). Classé parmi les 100 personnalités de l’Afrique de 2010 par le journal panafricain Jeune Afrique, il était le chantre de la défense des droits des paysans. Pour avoir une idée précise de ce que représentait ce grand leader agricole pour le Cameroun, et même pour l’Afrique, je vous fais grâce d’une longue littérature en vous invitant à lire quelques témoignages.
Il s’agit des témoignages, soit des journalistes, soit des personnes qui l’ont connu de près ou de loin. Mais ce sont des personnes qui ont eu à suivre l’ingénieur dans ses périples de la lutte contre les intérêts des paysans.
Présentation de Bernard Njonga par Serge Aimé Bikoï
« Bernard Njonga est mort. L'ingénieur agronome et ancien président de L'Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic) est décédé, ce dimanche, 21 février 2021 au Chu d'Amiens en France des suites de maladie. Cette ancienne tête de proue de l'Acdic s'est investie, ces dernières années, dans le champ politique camerounais, en fondant sa formation politique, le Crac (Croire au Cameroun). Directeur de la publication du journal "La voix du paysan", Bernard Njonga a contribué, tout au long de sa trajectoire, à combattre les atrocités du monde des ruraux sombrant dans une certaine déliquescence.
Durant la présidentielle de 2018, cet ingénieur agronome a rendu public un document intitulé "Les 40 mesures pour révolutionner l'agriculture". Document soumis à l'attention des leaders politiques postulant à cette échéance électorale. Mais malencontreusement, seuls deux ou trois présidentiables y ont accordé une oreille attentive, mais sans toutefois fédérer les énergies pour imposer ce projet de société s'inscrivant dans le sillage de la révolution agricole au Cameroun.
Toute chose qui avait déçu le porte-étendard de la cause des agriculteurs. La sphère paysanne est, d'ores et déjà, orpheline de son défenseur, combattant infatigable. Trente ans de lutte citoyenne au demeurant ! »
Témoignage de François Ruffin
Le premier témoignage est celui d’un député Français, François Ruffin. Dans un discours dans l’hémicycle en 2018, il invitait le gouvernement français à s’inspirer de la lutte de Bernard Njonga concernant l’interdiction de l’importation des poulets congelés. Par ailleurs, l'homme politique de la France Insoumise, à travers son ouvrage « Un député à.… la ferme », bataille pour une agriculture familiale et vivante en France. Voici l’intégralité de son propos :
« En 1994, ça vaut pour la France, mais ça vaut pour tous les pays du monde, signés les accords de l’Uruguay Round qui font entrer l’agriculture dans un grand marché déréglé et mondialisé. Quelles sont les conséquences pour les poulets au Cameroun ?
En quelques années, en 1999, alors qu’il y avait de grands élevages de poulets au Cameroun, 90% de productions de poulets sont tués. Ce qu’ils appelaient poulet bicyclette, c’est-à-dire qui étaient amenés de la ferme jusqu’au marché à bicyclette. Les agriculteurs par milliers sont désespérés et mettent la clé sous la porte. Normalement, la messe est dite. Le poulet camerounais est tué.
Qu’est-ce qui se passe ? Il y a cet homme, Bernard Njonga, qui est ingénieur agronome, qui a une association et qui décide de tenter de remonter la filière poulet.il lance une enquête. Il montre comment il y a eu des investissements dans les pays, le désespoir des paysans. Il allie ça avec les poulets congelés, les poulets congelés qui viennent de chez nous. Doux, entre autre, mais aussi brésiliens. Il fait des analyses, les envoie au Centre Pasteur chez nous pour montrer les bactéries qu’il y a à l’intérieur de ces poulets.
- Premier temps : l’enquête.
- Deuxième temps : la mobilisation.
Comment il mobilise ?
José Bové vient à Douala, à Yaoundé. Il est interdit d’entrer dans la ville, cantonné à l’aéroport. Des milliers de personnes viennent pour le soutenir. Ça crée un événement dans le pays et c’est un rapport de force qui s’instaure.
- Troisième temps : la négociation.
Il se rend au siège de l’OMC voire Pascal Lamy à Genève et il demande que les poulets camerounais soient sortis des accords de l’OMC.
En 2006, il obtient l’interdiction d’importation de poulet au Cameroun. Le résultat est immédiat : le poulet camerounais renaît dans les années qui suivent. Il est aujourd’hui arrivé à ce qu’il était antérieur aux accords de l’Uruguay Round. C’est une leçon, une leçon pour le Cameroun. C’est une leçon pour les pays du sud. Mais, c’est une leçon pour nous aussi.
Si on veut une agriculture vivante, évidemment, il faut la réguler avec des protections douanières, avec des quotas d’importation. Mais, c’est là où l’enjeu qui est le nôtre aujourd’hui dépasse largement le cadre de l’agriculture : on ne peut pas parler aujourd’hui d’agriculture et demain d’immigration sans lier les deux. Aujourd’hui, si on veut que les flux des personnes soient régulés, il faut évidemment que ce qui se passe sur le terrain de l’agriculture soit régulé aussi. Il ne faut pas qu’on fasse des pays du sud les lieux où l’on vient déverser nos surplus.
Si la mission exportatrice de la France se poursuit en matière agricole, c’est une machine à fabriquer les réfugiés, aussi. Si nous ne voulons pas ça, il aurait dû y avoir, à l’intérieur de ce projet de loi, tout un volet qui se demande : qu’est-ce qu’on fait ? Comment on construit une coopération, une co-agriculture avec les paysans du sud ? Et j’en regrette aujourd’hui l’absence ».
Voilà donc un témoignage assez édifiant pour résumant l’une des œuvre de l’homme qui vient de nous quitter.