Ce qu’il faut retenir du dernier discours de Paul Biya

Le président camerounais s’est une nouvelle fois exprimé hier soir, à l’occasion de la célébration de fin d’année. Il a utilisé sa même petite voix comme d’habitude, et à vrai dire ses compatriotes le regardaient surtout pour vérifier qu’il était effectivement vivant, et non certainement pas pour l’écouter...
Ça fait trente-huit ans que Paul Biya psalmodie les mêmes discours durant le réveillon, et cette fois-ci il n’a pas dérogé à la règle : il a parlé d’un objectif de croissance à 8 %, il nous a promis sa sempiternelle émergence de 2035 dont on ne sait même pas si on sera encore là pour la voir, et ensuite il a déroulé les avancées « démocratiques » de notre pays à travers les élections législatives, régionales et municipales qui se sont déroulées durant l’année écoulée.
Paul Biya sait se présenter comme un nouveau dirigeant. Si on ne le connaît pas, on penserait même qu’il en est à son tout premier mandat à la tête de notre République. Car le type sait manier l’art du discours soporifique dans lequel les mots qui ressortent généralement sont les termes : résilience, courage, bravoure, etc.
Pour ce 31 décembre 2020, il n’a pas dérogé à la règle. Il a commencé par la pandémie du covid-19 qui était un sujet inévitable, et il en a même profité pour nous faire un rappel historique sur la grande histoire des épidémies. Il a posé la problématique du rapport entre les hommes et leur environnement naturel. Il a terminé sur ce sujet en nous interpellant sur les gestes barrières, et pourtant lui-même ne portait pas de masque !
Car selon lui, même si nous avons été moins touchés que les autres pays, nous devons rester vigilants car le virus circule actuellement sous une forme légèrement plus contagieuse.
À propos de la crise anglophone, il ne nous a pas appris grand-chose. Sinon que les commanditaires et les auteurs du massacre de Kumba, seront sévèrement pourchassés et remis entre les mains de la Justice. Il s’est offusqué de ce que cette guérilla s’est métamorphosée en grand banditisme, et que les exactions actuelles n’aient plus rien à voir avec une quelconque revendication politique.
Sur le MRC, Paul Biya a été bien malin, lui qui ne prononce jamais le nom de ce « petit parti politique », ni d’ailleurs de son leader Maurice Kamto. Il a salué les forces de défense et de maintien de l’ordre, lesquelles auraient déjoué le projet d’insurrection déguisé sous l’appellation de « marche pacifique du 22 septembre ». Il faut rappeler qu’à la suite de cet événement, le leader du MRC avait été encerclé devant sa résidence privée pendant près de soixante jours.
Et puis Paul Biya a fait du Paul Biya : il a cité les « énormes » avancées démocratiques (sic) que connaîtraient notre pays, notamment s’agissant du respect du calendrier électoral en ce qui concernait les Municipales, les Législatives et les nouvelles élections régionales. Il a qualifié ce planning constitutionnel de lente marche vers le processus complet de décentralisation de notre pays.
Grosso modo, Paul Biya ne nous a rien appris. Il a rempli son devoir régalien de faire un discours présidentiel de fin d’année, et il a essayé de nous bercer avec quelques notes d’optimisme. Il n’a rien dit concernant un éventuel remaniement ministériel. Il n’a prononcé le nom d’aucun de ses collaborateurs. Il n’a pas dit le moindre mot sur l’accident récent qui a eu lieu par Ndikiniméki le 27 décembre, et qui a causé une trentaine de décès. Les mauvaises langues disent d’ailleurs que son discours avait été enregistré avant cette date, et donc voilà pourquoi il n’en a pas pu faire mention.
Toujours est-il qu’ainsi va le Cameroun, puisque que la prochaine fois que nous apercevrons notre chef de l’Etat ce sera le 10 février. Et ce sera à l’occasion du traditionnel discours qu’il a l’habitude d’adresser aussi à notre jeunesse...
Ecclésiaste Deudjui
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