Comment je vis la crise post-électorale ?
On sait comment ça commence, mais personne ne sait comment ça va finir. Chaque jour qui passe la situation dans notre pays ne cesse de s’empirer. On enregistre d’importants dégâts matériels, des troubles à l’ordre public et plus grave encore, des morts. La crise post-électorale nous concerne tous, parce que même si certains d’entre nous comme mon meilleur ami Herman Ngameni, préfèrent respecter la décision du Conseil constitutionnel par acte conforme au devoir, les manifestations qui se déroulent actuellement dans la ville de Douala et à travers le pays, n’épargnent personne. Même pas moi qui suis-je un fervent défenseur des institutions de notre pays et un adepte de la continuité pour un moindre mal.
Comment se déroulent désormais mes journées ?
Sur le plan social, j’ai l’impression d’être incarcéré, je reste confiné dans mon appartement en longueur de journée, incapable de vaquer à mes occupations. Je sombre progressivement dans l’alcool, car c’est le seul moyen de voir les secondes s’écouler rapidement. À part par appel, je suis incapable d’être en contact avec les personnes que j’aime. J’ai peur de démarrer ma moto pour aller rendre visite à ma petite amie et de lui apporter son fameux gâteau chocolat préféré. Il y a plus moyen d’aller dans mes différents « mapannes » avec mon mentor Ecclésiaste Deudjui (d’abord qu’il a mon macabo comme je ne suis pas contre le régime en place.) Je me suis interdit de me retrouver sur les routes principales de peur de recevoir une balle perdue. J’ai même totalement changé de coupe de cheveux de peur d’être confondu à un brigand parce que dans notre pays l’habit fait d’abord le moine. Sur les réseaux, je commence à me faire des ennemis, tout simplement parce que j’ai décidé d’épouser quelques idéologies du pouvoir en place avant les élections, pas parce que je reçois des privilèges de ce système ou que je suis épargné de la vie difficile que vivent la majorité des Camerounais. Non ! Je me considère comme un simple partisan du « c’est dur, mais on fait avec. » Je sais aussi comme le dit si bien jean-luc Melanchon, qu’il n’est pas rationnel de demander quelque chose qui ne se produira jamais. Que ça ne sert à rien de crier si d’office, on ne sera pas entendu. J’espère aussi au plus profond de moi, de voir s’accomplir le fameux qui commence bien se termine bien. Parce que le début de règne de l’homme lion n’a pas seulement laissé de mauvais souvenirs et qu’il fera tout lors de ce qui est peut-être son ultime mandat, pour nous mener vers la grandeur car les humains se souviennent beaucoup plus de la fin surtout si elle est heureuse.
Sur le plan professionnel, c’est mort. Incapable de me rendre dans mon lieu de service. Et la majorité de mes collaborations en free-lance ont été mises en pause vu le contexte. Aucune entreprise ne souhaite communiquer, parce qu’en cette période d’émotions collectives, même un bon message peut être mal interprété.
Je passe donc mes journées à scroller sur les réseaux pour rester en contact avec l’actualité et en ayant le secret espoir que le peuple fera recours à des moyens plus pacifiques. Qu’il pourra marcher sans détruire et que nos forces de sécurité pourront avoir le bon réflexe de ne pas tirer. Parce qu’avant tout, ils ne sont pas ennemis du peuple au contraire…
Christian DEUTOU : « Mon pays va mal ! » Article publié sur www.wutsi.com/@/leswandaseries