Sont-ils fiers d’être Camerounais ?
Chaque 20 mai, le Cameroun célèbre la fête de l’Unité. Pour beaucoup, c’est une journée ordinaire, pour d’autres, c’est le rappel d’une histoire, d’une culture, d’un peuple aux mille visages. Cette année, j’ai décidé de m’arrêter un instant et d’écouter. Écouter mes compatriotes, leur demander, tout simplement : « Qu’est-ce qui vous rend fiers d’être Camerounais ? »
Je ne m’attendais pas à ce que les réponses soient si diverses, si franches, parfois tendres, parfois amères. Mais c’est justement cette mosaïque de ressentis qui fait la beauté – et la complexité – d’être Camerounais.
« Je n’ai pas choisi d’être camerounaise »
On commence ce voyage par Ivane Messi, voyageuse, qui pose un regard doux sur sa nationalité :
« Je n’ai pas choisi d’être camerounaise, je le suis c’est tout. Je suis fière de mon identité, fière de qui je suis, de là où le bon Dieu a voulu me déposer pour mon parcours terrestre. Rien que pour ça je rends grâce. »
Être Camerounais, parfois, c’est juste accepter son identité, remercier la vie pour le point de départ qu’elle a offert. C’est une posture qui invite à l’humilité et à la reconnaissance, au-delà de tout ce qui ne tourne pas rond.

La cuisine, ciment de l’âme camerounaise
Mais très vite, la conversation prend une tournure savoureuse. Si le Cameroun est surnommé « Afrique en miniature », c’est aussi parce que sa cuisine est un continent à elle seule.

Adrianna cite la bouffe – « rien que la bouffe » – et déroule un inventaire à la Prévert : eru, ndolé, sanga, sauce jaune, zom, ndomba, fufu, mbongo… Autant de plats qui, pour beaucoup, sont synonymes de fierté, de souvenirs, de moments partagés.

Beldiane, Lionel Tangang, Karolyn Koukap, Yoba Vaillante, Marie Rose, Joel Gueloho: tous citent la cuisine comme une source inépuisable de bonheur. À la table camerounaise, on trouve l’unité, la transmission, la diversité.

Et puis il y a la bière ! Si certains apprécient les bières industrialisées, Delia aime bien la bière locale « Sha ». Elle m’a fait découvrir cette boisson traditionnelle alcoolisée, à base de maïs, consommée dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest.
Culture, rythmes et talents
La culture camerounaise ne se limite pas à la gastronomie. Lionel Tangang évoque « la richesse des danses, des tissus, des musiques. Il rend hommage à ces compatriotes qui brillent dans leur domaine – Pascal Siakam sur les parquets de la NBA, Andy Allo sur les écrans de Netflix, Yamé dans les paroles du rap ».
Chrescence Britany BILE, elle, met en avant son ethnie Sawa, pour ses mets, ses danses, sa langue. Reine AZANGUE célèbre le patrimoine linguistique, hésitant entre le beti-fang et le fulfuldé pour désigner une « vraie » langue officielle. Kathy Sambah quant à elle est catégorique, « la langue duala doit être la langue officielle du Cameroun »
La fierté, parfois, se niche dans les détails : une chanson entendue au marché, un vêtement traditionnel, une langue maternelle parlée au coin du feu.
Mais aussi des doutes, des colères, des attentes
Pourtant, tout n’est pas rose. Adad Fonkwa, Pulchérie, Marianne Arsene, Jael, Mama Salomé, Acer, Agnès… Pour eux, la fierté d’être Camerounais n’est pas évidente, voire inexistante.
Les raisons ? Les conditions de vie difficiles, la corruption, l’incivisme, le manque de justice, un sentiment d’abandon.
Gabriel, étudiant en science du langage, résume cette lassitude : « Pour que je sois fier d’être camerounais, il faut beaucoup de choses. Amélioration des conditions de vie, stopper la corruption et le favoritisme, changer de président, donner du travail aux vrais diplômés. »
C’est un cri du cœur, celui d’une génération fatiguée par les promesses non tenues, mais qui continue malgré tout de rêver à un pays meilleur.
La diversité culturelle et la richesse touristique rendent fiers d’être Camerounais
Pour Bertrand, l’histoire du Cameroun, c’est avant tout celle de l’unification : « Ce n’est pas à 100% mais de manière globale, je pense que les Camerounais sont unis ». Georges Franky Ndjia quant à lui est « fier de la diversité géographique et culturelle », mais aussi touristique.
Kelu Ivana, elle, voit le Cameroun comme une terre bénite, tout-en-un, riche de sites touristiques. Elle cite les plages de Kribi, le Mont Cameroun, le Lac Tison, le monument de la Réunification, le musée national.

D’après l’Annuaire des statistiques du tourisme et des loisirs 2020 « le Cameroun compte près de 941 sites touristiques répertoriés sur l’ensemble des dix régions ». Une large palette de choix pour le grand bonheur des touristes nationaux et internationaux. Les amoureux des lacs seront séduits par la beauté luxuriante du lac Tison à Ngaoundéré parmi les 80 lacs que compte le pays. En termes de chutes et de cascades 81 possibilités s’offrent à vous. Pour les amateurs de randonnées en hauteur sur il y a 74 monts, cols et falaises, 34 rochers et 37 grottes.

Le tourisme balnéaire fait plaisir avec ses 61 plages et berges. Le tourisme culturel attire avec 97 chefferies et sultanats, 20 campements et 125 centres d’artisanats et marchés. Quant au tourisme de mémoire, il y a de quoi satisfaire les historiens avec 71 monuments et 67 vestiges architecturaux. En ce qui concerne l’agrotourisme la plantation de thé de Djutitsa se démarque parmi les 66 plantations. On peut aussi citer les 14 barrages, les 14 ranchs, les 7 réserves minières, les 20 parcs et réserves.

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Unité, force et résilience
Sergy Tymy, Sorelle Memikam et Darelle Mbakop parlent du « fighting spirit » camerounais. Pour eux, la fierté d’appartenir au Cameroun réside dans sa capacité à encaisser, à lutter, à ne pas céder. Comme le dit Darelle, « Être camerounaise, c’est être un travail à temps plein » car cela nécessite « la ténacité, l’endurance, le courage, la détermination et le courage ». Ornella Cariolle, sobrement, cite sa liberté.
Être Camerounais, c’est tout ça… et plus encore
Ce qui ressort de cette mosaïque de témoignages, c’est que la fierté d’être Camerounais n’est ni évidente, ni automatique. Elle se construit, se questionne, se nuance. Elle se niche dans un plat partagé en famille, dans une chanson entendue au coin d’une rue, dans un exploit sportif, une blague échangée, une révolte, une attente. Certains jours, elle s’effrite, d’autres, elle fleurit. Mais elle est là, têtue, insaisissable, multiple.
Alors, fiers d’être Camerounais ? Aujourd’hui, je dirais : fiers, oui, mais lucides. Et surtout, porteurs d’un espoir – celui qu’ensemble, en acceptant nos ombres et en célébrant nos lumières, nous puissions rendre ce pays encore plus beau, plus juste, plus uni.
Ce billet est plus qu’un simple regard personnel. Il s’inscrit résolument dans la dynamique collective de la campagne “Fiers d’être camerounais” de l’Association des Blogueurs du Cameroun (ABC), dont je suis membre. À travers ces témoignages souvent contrastés, nous poursuivons un objectif : ouvrir la discussion, questionner notre identité, et rêver ensemble d’un Cameroun qui ressemble à nos espérances. Savez-vous pourquoi je suis fier d’être camerounais ?