Quelle est la place de Noël dans la société camerounaise ?
Je suis tombé sur un post de mon ami Atome qui critiquait sévèrement les festivités de Noël. Personnellement, je ne suis pas contre son opinion. D’ailleurs la fête de Noël est une célébration que je n’apprécie ni ne décrédibilise, parce que chacun fait ce qu’il veut. Mais au moins même si elle me laisse indifférent, je considère qu’elle est « fêtable » à partir du moment où elle rend heureux les enfants, elle rend épanouies certaines femmes, et surtout elle permet à de nombreuses familles de se rassembler, et pourquoi pas de recommencer à retrouver une certaine forme de nouvelle harmonie...
Soit !
Mais une fois que je l’ai dit, je suis obligé de rappeler que cette « naissance de Jésus » a été délocalisée pour les besoins de la cause ecclésiastique. La fête de Noël à l’origine, c’était une festivité païenne. Mais comme l’église catholique voulait rallier la communauté païenne à sa cause, elle a « délocalisé » la naissance du Christ au 25 décembre, et ainsi elle a rendu religieuse une fête qui était pourtant agnostique à la base [...]
Les exégètes et les historiens se feront un malin plaisir de démentir cette version, mais toujours est-il que Noël est actuellement considéré comme une fête cent pour cent religieuse. Et même catholique si on veut se montrer plus méticuleux...
De plus, la fête a un volet commercial que le post de mon ami n’a pas manqué de si bien rappeler. Car derrière ces belles légendes du Père Noël et de ses rennes bardés de cadeau, se cache des intentions capitalistiques. Derrière ses couleurs issues de Coca-cola et derrière ses acrobaties au pied de votre cheminée, se dessine un dessein bien défini et très-très clair, celui de vous faire dépenser, de vous faire consommer, de vous faire emprunter de l’argent pour vous endetter pour le futur, mais aussi et surtout celui de vous faire recommencer l’année prochaine.
La fête de Noël, vue sous cet angle, n’a presque plus de saveur. Puisqu’en réalité elle permet d’enrichir davantage ceux qui tirent les manettes de cette story telling savamment organisée et distillée. Elle n’apparaît plus comme une période de congés ordinaire, mais plutôt comme une grande foire qui s’étale sur plusieurs jours et pendant laquelle vous devez absolument acheter des sapins, des vêtements, des téléphones, des dîners aux chandelles, etc.
Je reconnais que j’ai passé une enfance joyeuse durant ces périodes. À Edéa, nous sortions en groupe et nous nous rendions dans les kermesses organisées. On découvrait la saveur des bals et nos parents nous offraient des jouets en caoutchouc qui étaient si magnifiques, et qui nous faisaient tellement rêver...
Donc je suis très mal placé pour critiquer les fêtes de Noël parce que je sais à quel point cette période de l’année nous faisait tellement fantasmer.
Ce qui dérange au Cameroun, c’est que certains citoyens considèrent cela comme une priorité absolue. Au point de s’endetter ! Au point de s’arrêter de vivre ! Au point de mettre leur situation conjugale en péril, tellement ils exercent une pression financière insoutenable sur leurs partenaires amoureux...
La fête de Noël est considérée au Cameroun comme un défi personnel. Il faut montrer aux voisins qu’on a mieux réussi qu’eux, ou au moins qu’on peut mieux fêter chez nous que dans leur maisonnée à eux. Il faut se faire beau ou belle à tout prix et à tous les prix, afin de mieux masquer ses misères quotidiennes. Il faut préparer des repas fastes et somptueux qui d’habitude, ne font pas partie du menu familial. Il faut impressionner, il faut acheter des choses inutiles, bref, il faut dépenser absolument !
Les marchandises deviennent chères sans aucune explication, et personne ne s’en plaint à vrai dire. Les employés deviennent paresseux et fainéants dans les entreprises, parce que toute leur priorité est dirigée vers les fêtes de fin d’année. Les épouses deviennent exigeantes, et « l’argent des fêtes » est souvent la source de plusieurs disputes qui aboutissement généralement à des divorces.
Tout le contraire de ce que devrait représenter l’esprit de Noël !
Ecclésiaste Deudjui
(+237) 696.469.637
Cet article a été publié sur wutsi.com