Communauté Batanga : Résistante, Combattante et Debout
Fête commémorative Batanga
Je commencerai ce propos par une vérité simple et ancestrale : « Lorsque vous voulez voir la sincérité d'une personne, n'écoutez pas ce qu'elle dit. Regardez ce qu'elle fait.»
Ce que j’ai vu ce 9 mai 2025, est une gifle à la mémoire. Une injure faite à notre histoire et celle du Cameroun. En effet, nous venons de célébrer, dans la dignité, la 109e édition du Mayi, cette commémoration qui honore nos ancêtres tombés pendant les affrontements de Kribi durant la Première Guerre mondiale. Cette année, elle portait le symbole profond de l’eau ( Madiba) source de vie, de purification et de mémoire. Une commémoration qui transcende un simple rituel. Elle est un acte de résistance, un rappel vivant de qui nous sommes. Je tiens donc à saluer , avec chaleur et reconnaissance, celles et ceux des Batanga ou non qui ont répondu présents à ces moments de partage, qui ont donné de leur temps, de leur énergie, de leur soutien matériel pour le bon déroulé de cette édition.
Mais je ne peux taire ma colère contre ce système qui nous montre depuis quelques années et surtout depuis la disparition de nos illustres élites que notre peuple ne compte pas pour eux. Comment peut-on, en toute conscience, choisir précisément ce 9 mai pour organiser une cérémonie d’accueil d’un bateau au Port autonome de Kribi, quand on voit qu’en Europe, des pays entiers s’arrêtent pour célébrer la mémoire de leurs soldats tombés dans le même contexte? Ce n’est ni une erreur de calendrier ni une coïncidence hasardeuse. C’est une stratégie d’effacement.Que personne ne vienne nous parler de surinterprétation. Ce qui s’est passé ce 9 mai 2025 à Kribi, ne se serait jamais permis un 15 décembre le jour de la jeune fête du Nguma Mabi, ou encore à Douala, le jour sacré du Ngondo. Pas plus qu’on n’oserait poser de telles profanations le jour du Nguon à Foumban. Pourquoi ? Parce que certaines mémoires sont jugées plus légitimes que d'autres. Parce que l’histoire Batanga dérange.
Je salue les paroles lucides de Madame la Déléguée régionale des Arts et de la Culture, représentante de son Ministre de tutelle. Elle a su lire en nous la ténacité d’un peuple, la grandeur d’une mémoire transmise de génération en génération. D’ailleurs ce que beaucoup ignorent, c’est que cette résistance n’est pas née d’hier. Dans les années 50 et 60 déjà, alors que les vents coloniaux et néo-coloniaux soufflaient fort, nos aînés ont dû braver des interdictions administratives, parfois au péril de leur sécurité, pour continuer à commémorer nos valeureux ancêtres. Des pressions politiques, des intimidations, des sabotages, ils ont tout affronté. Ils n’ont reculé devant aucun obstacle et ce n’est donc pas aujourd’hui, en 2025, que nous plierons le genou.Victor Hugo disait : « Les morts gouvernent les vivants. » Et chez les Batanga, nous le savons depuis toujours : honorer nos ancêtres, c’est affirmer notre droit d’exister.
Mais il y a pire que l’adversité extérieure. Il y a la trahison intérieure. À ceux qui, au nom de faveurs individuelles, pactisent avec les fossoyeurs de notre histoire, de notre tradition, vous ne servez pas le peuple. Vous servez ses ennemis.On ne vous respecte pas. On vous utilise. Et vous offrez, en retour, le silence, l’indifférence, l’inaction. Triste rôle pour des enfants d’un peuple aussi fier.Je m’adresse à la grande famille Ndowe : Batanga, Banoho, Bapuku, Iyasa. Il est temps de sortir de l’aveuglement. Nos terres sont confisquées sous nos pieds, parfois au nom de projets fallacieux. Nos jeunes sont écartés des emplois sous des prétextes de compétences (non avérés). Nos célébrations historiques et culturelles sont boycottées et méprisées.Combien de signes faudra-t-il encore pour réveiller notre orgueil collectif ? J’ose croire que tous les adultes de notre communauté n’ont pas tous un QI de 50, pour reprendre les mots froids mais justes de la science. J’ose croire qu’il existe encore des hommes et des femmes lucides, animés par l’amour du peuple. À ceux-là, je tends la main pour qu’ils prennent l’initiative d’un dialogue sans clivages politiques ni divisions religieuses. Qu’ils se rappellent que l’humilité est la base de l’humanité, et que la mémoire est une dette que l’on paie par l’action.
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Je veux clore ce propos par un hommage, un vrai; pas un de ces discours de circonstance qu’on prononce quand il est trop tard. Patriarche Laurent Ndjonkwè, Secrétaire Général de la chefferie du groupement Batanga Lohovè, incarne pour moi l’attachement, l’engagement et la loyauté à sa mission. Ces qualités deviennent rares. Trop rares même au sein de notre grande communauté. J'espère qu'il soit honoré de son vivant car les hommages posthumes sont trop faciles.
Mayi ma yamu!!!