Society

La mort nous défait-elle de notre appartenance ?

Mar 13, 2025 - 2 Minutes

Dans les sociétés contemporaines, la mort est généralement perçue comme une rupture définitive entre l’individu et les cadres sociaux auxquels il appartenait de son vivant. Ainsi, on parle des défunts au passé : « Il était Camerounais », « Elle était originaire de Batanga ». Cette habitude langagière traduit une conception linéaire du temps et de l’identité, où la mort marque la fin de l'existence sociale et juridique d'un individu. Mais cette vision est-elle universelle ? L’appartenance ethnique et la citoyenneté s’éteignent-elles vraiment avec la vie biologique ?

D’un point de vue administratif et politique, la réponse est évidente : à la mort d’un individu, sa citoyenneté s’éteint, car il ne participe plus aux droits et devoirs de la vie civique. Les institutions modernes, fondées sur une approche rationnelle et bureaucratique de l'existence humaine (Weber, 1922), considèrent l’individu comme une entité juridique active seulement durant sa vie. Après la mort, son identité légale devient une simple référence historique.

Chez les Batanga du Cameroun, par exemple, la transmission de l’héritage familial et spirituel repose sur une relation continue avec les ancêtres. Leur statut transcende la mort biologique, et ils restent des membres à part entière de la lignée. Ce phénomène est commun à d’autres peuples côtiers d’Afrique centrale, où le culte des ancêtres façonne l’organisation sociale (Rosny, 1981).

La question de l’appartenance post-mortem s’étend aussi à la mémoire sociale. Pierre Nora (1989) souligne que les individus décédés ne disparaissent pas de l’histoire collective, mais deviennent des « lieux de mémoire ». Leur appartenance à une nation, une ethnie ou une communauté peut même être renforcée après leur décès, à travers des commémorations ou des hommages.

Dans ce contexte, la manière dont nous parlons des morts dépend de notre conception du temps et de l’identité. Le passé utilisé pour les évoquer est une convention langagière, mais dans de nombreuses traditions, leur influence demeure bien vivante.

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Si la mort marque juridiquement la fin de la citoyenneté, elle ne met pas toujours fin à l’appartenance ethnique ou sociale. La mémoire des morts, qu’elle soit collective, rituelle ou historique, témoigne d’une présence continue au sein du groupe. Dire « Il était Batanga » ne signifie pas nécessairement qu’il ne l’est plus ; cela traduit simplement une convention du langage qui ne reflète pas toujours les réalités culturelles et spirituelles.

Que l'âme de Sa Majesté Ndjondje Paul Fritz dit ''BODJOUA" rayonne à jamais ✨🔱.

Références
1.Goody, J. (1962). Death, Property and the Ancestors: A Study of the Mortuary Customs of the LoDagaa of West Africa. Stanford University Press.

2. Nora, P. (1989). Les lieux de mémoire. Gallimard.


3.Rosny, E. de. (1981). Les yeux de ma chèvre: Sur les pas des maîtres de la nuit en pays Douala. Plon.


4.Weber, M. (1922). Économie et société. Paris : Plon.