L’avenir de la chefferie traditionnelle au Cameroun face aux transformations du monde contemporain.
Depuis l’indépendance du Cameroun en 1960, la chefferie traditionnelle a progressivement perdu son rôle prépondérant dans l’organisation sociale et politique des populations. Jadis pilier de la gouvernance des communautés, gardienne des valeurs culturelles ancestrales et du pouvoir spirituel, elle est aujourd’hui fragilisée par plusieurs dynamiques : l’usurpation des titres par certaines élites administratives, l'urbanisation galopante, la corruption, ainsi que son inadéquation avec les exigences d’un monde en pleine mutation, marqué par la montée en puissance de l’intelligence artificielle.
L’un des principaux facteurs de cet affaiblissement est la politisation et l’instrumentalisation de la chefferie. En instituant des chefferies de quartier en milieu urbain, souvent sans véritable ancrage historique, l’État a dilué l’autorité des détenteurs légitimes du pouvoir traditionnel. De plus, il est de fréquent de voir des fonctionnaires ou des personnalités influentes s’approprier des titres de chefs traditionnels par le biais de la corruption ou de réseaux d’influence, transformant ainsi la chefferie en une simple extension de l’administration publique.
Alors qu'au Cameroun le gouvernement actuel trouve un intérêt à dompter la chefferie traditionnelle en la maintenant sous ce modèle de contrôle, d’autres pays africains adoptent une approche différente. Au Burkina Faso, par exemple, le Conseil des ministres du 14 février 2025 a adopté un avant-projet de loi visant à interdire au chef traditionnel d’exercer une activité politique partisane, à moins que ce dernier ne renonce à son titre (Lefaso.net). Cette réforme vise à restaurer la neutralité et la dignité de l’institution en la préservant des luttes partisanes. Une mesure qui pourrait inspirer d’autres nations africaines soucieuses de redonner à la chefferie son rôle originel.
Au-delà de la question politique, la chefferie traditionnelle est également confrontée à la transformation rapide de notre société sous l’effet de la mondialisation et de la technologie. À l’ère du numérique et des algorithmes, la gouvernance repose de plus en plus sur des modèles modernes de gestion, marginalisant progressivement les structures traditionnelles. La jeunesse, quant à elle, s’identifie davantage aux dynamiques contemporaines qu’aux traditions héritées de nos ancêtres, réduisant ainsi l’influence des chefs traditionnels.
Dans ces conditions, la survie de la chefferie traditionnelle au Cameroun apparaît incertaine. Face aux mutations socio-économiques et technologiques, et en l’absence de réformes profondes pour redéfinir son rôle dans la société moderne, cette institution millénaire pourrait, dans les décennies à venir, perdre définitivement sa place au sein du paysage sociopolitique national.