Cameroun : une société déshumanisée ?

Ecclésiaste DEUDJUI
Aug 27, 2023 - 3 Minutes
Le Cameroun est un pays qui connaît régulièrement de nombreuses catastrophes humaines. Source: doualatoday.com /Image reprise sous autorisation
Le Cameroun est un pays qui connaît régulièrement de nombreuses catastrophes humaines. Source: doualatoday.com /Image reprise sous autorisation

 

J’ai assisté ce samedi à une scène qui m’a donné des frissons. C’était au carrefour Bassong, à Logpom (Douala), aux environs de 13h30. Un homme était couché au sol, presque agonisant, car il respirait à peine. Mon attention a été attirée parce que tout le monde regardait vers sa direction, et je ne comprenais pas ce qui se passait. Jusqu’à ce que je me rapproche et que j’aperçoive cet homme âgé, la soixantaine probable, allongé sur le dos en plein milieu de la route. Il tenait un sachet plastique de la main droite, comme si un malaise l’avait foudroyé pendant qu’il marchait au bord de la route. Il avait un chapeau sur la tête, les paupières fermées, et des tas de blessures sur le corps (dont des jambes qui semblaient en état de bientôt se décomposer). Bref, il ne se portait pas bien.

Ce qui m’a d’abord alerté, c’est que cet homme était en difficulté. Mais j’ai été subjugué quand j’ai appris qu’il était allongé ainsi depuis une vingtaine de minutes. C’était en plein jour, et il faisait une chaleur caniculaire. Les gens passaient autour de lui sans réellement s’en préoccuper, et on aurait trouvé cela presque normal. Je me suis dit que dans un pays normal on aurait déjà appelé les secours. J’ai imaginé que quelqu’un aurait pu tenter de le relever, pour au moins le sortir de son endormissement. Je n’ai pas compris pourquoi les gens vaquaient à leurs occupations, tranquillement, et que des véhiculaient circulaient continuellement à quelques centimètres de sa carcasse, avec le risque de le bousculer avec leurs grosses roues. Et je ne parle même pas des bendskineurs qui avaient stationné près de lui, et qui continuaient leurs conversations sans même se demander s’il allait pouvoir se relever...

    

   

Receive my Stories your e-mail inbox as soon as I publish them.
Subscribe to my Blog

Tout ceci, c’est pour dire que nous sommes dans une société déshumanisée. Ou inhumaine, si vous préférez. J’ai entendu des gens dire que si quelqu’un tentait d’aider le vieil homme, il risquait de porter la malchance comme les blagues ! Par exemple, celui qui allait le relever et le conduire dans un hôpital, devait s’occuper des frais exorbitants de nos centres hospitaliers. Ou en tous cas, devait au moins payer un taxi en course pour le conduire dans un dispensaire.
Notre société est une société de méfiance, où on se demande si le type qui gisait au sol, n’était pas un sorcier par hasard. N’était-il pas en train de payer son « retour » ? N’était-il pas en train de tendre un piège, ou alors n’était-ce pas un sorcier tout simplement, qui voudrait prendre la chance et la bonne fortune de ses potentiels futurs bienfaiteurs ?
Autant d’interrogations que les gens se posaient en réalité.

Mais la vérité est que, au Cameroun, la vie humaine n’a plus aucune valeur. Au-delà de la violence qui est devenue banale, la mort est devenue un truc ordinaire. Déjà que nos proches disparaissent dans l’indifférence, et à plus forte raison les inconnus. Au contraire, et je vais vous choquer, la mort des gens devient parfois des sujets de conversation divertissants. Les gens sont « heureux » de raconter un accident tragique, une mort insoutenable, une agonie insupportable ; d’ailleurs on ne vit ici que pour raconter, ou pour assister aux faits divers qui paraissent uniques et sensationnels.

Les gens se déshabillent dans les rues et on dit qu’ils sont entrés dans le famla’a. Les gens deviennent fous et on dit qu’ils sont entrés dans les sectes pour « vivre heureux et mourir jeunes ». Les vieillards s’évanouissent en route sous l’effet de la chaleur —ou de la maladie—, et personne ne les assiste. Ils meurent en direct dans une indifférence généralisée, parce que l’environnement camerounais est complètement devenu une société déshumanisante...

 

Ecclésiaste Deudjui

(+237) 696.469.637

Article publié sur wutsi.com/@/clesh7

Mort
Societe Camerounaise
Humanité
Logpom
Voyeurisme