Effondrement d’immeubles à Douala : quelles leçons à tirer ?

Ecclésiaste DEUDJUI
Jul 30, 2023 - 4 Minutes
Les pompiers sur le terrain de l
Les pompiers sur le terrain de l'effondrement, à Ndogbong. Source: actucameroun.com /CC-BY

 

Voilà exactement une semaine qu’un immeuble s’est effondré à Douala, plus précisément au quartier Ndogbong au lieu-dit « Derrière Mobil Guinness ». Le bilan actuel fait déjà état d’une quarantaine de morts, avec quelques rares survivants qui sont actuellement pris en charge dans divers hôpitaux de la ville.
Cet événement malheureux a fait la Une de l’actualité après sa survenue, comme étant un drame national. Et même si nous ne ramènerons jamais nos compatriotes qui sont décédés, il faut néanmoins tenter de tirer quelques leçons de cette tragédie...

Déjà, il faut rappeler que « l’accident » a eu lieu aux environs de minuit, dans la nuit de dimanche à lundi derniers. Le bâtiment R+4, qui était surnommé « Immeuble de la mort », s’est effondré comme un château de cartes en piégeant tous ceux qui s’y trouvaient. Une fête se célébrait d’ailleurs dans l’un des studios de l’immeuble, et elle accueillait des gens qui ne résidaient même pas dans le quartier... Certains survivants n’ont eu la vie sauve qu’en sortant du bâtiment pour s’éloigner des bruits de cette fiesta, et quand ils sont revenus... ils avaient déjà tout perdu !

 

Certains survivants de l
Certains survivants de l'immeuble ont tout perdu. Source: camerounweb.com  /CC-BY

 

L’effondrement mortel d’un immeuble n’est malheureusement pas un fait isolé au Cameroun. Plusieurs causes peuvent expliquer l’existence de tels drames, et les autorités ont cette fois prévu de s’y attaquer sérieusement.

1)       Les constructions anarchiques

La plupart de nos propriétaires ne prennent pas la peine de s’entourer de compétences lorsqu’ils entament un chantier de construction. Non seulement ils ne s’embarrassent pas d’études géophysiques, mais ils confient souvent leurs chantiers à de véritables amateurs.

Ils ont tôt fait de confier la responsabilité de leur future résidence à des membres de famille qui sont peu qualifiés, sous prétexte que ces derniers sont moins coûteux. Et ces propriétaires ne prennent pas la peine d’entamer les démarches pour un permis de bâtir normal, ce qui permettrait de les prévenir des éventuels dangers de construction en cas de contrôle des agents communaux.

2)       La mauvaise qualité du matériel

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Pour réaliser certaines économies, certains chefs de chantiers utilisent des matériaux de mauvaise qualité, ou alors de résistances inférieures. Pour des édifices censés être solides, ils utilisent pourtant des parpaings légers, des fers fragiles ou encore une fondation non adaptée. Leur mentalité étant de placer leur sort sous la protection du Seigneur Jésus-Christ comme ils ont souvent coutume de s’imaginer.

3)       L’égo et le m’as-tu-vu

En réalité, la plupart des maisons qui s’effondrent n’avaient pas lieu d’être ce qu’ils étaient destinés à devenir. C'est-à-dire que des gens prévoient de construire une maison basse, mais une fois les travaux entamés (et la fondation déjà faite), ils s’aventurent à changer de projet en cours de route et à se lancer sur un projet de R+X.
L’égo surdimensionné de certains Camerounais, et surtout l’idée selon laquelle la hauteur de leur immeuble sera proportionnelle à leur propre puissance, est à l’origine de beaucoup de dégâts. C’est pour cela nous construction sur du sable, sur des terrains escarpés, sur des collines, sur des terrains mouvants qui vont souvent conduire à des éboulements, etc.
La plupart de nos entrepreneurs veulent mettre sur pied un bâtiment imposant, même si cela ne pourra pas garantir la sécurité de ses futurs occupants.

4)       L’esprit de lucre

On pourrait aussi rajouter l’esprit de bénéfice insatiable qui habite certains propriétaires. Des bailleurs qui ne se lassent jamais de surélever leur bâtiment, dans l’optique d’accroître considérablement le nombre de locataires. On ne se rassasie pas d’encaisser l’argent de pauvres âmes en mal d’habitation dans une mégapole en crise de logement, et on ne prend même pas la peine de faire des travaux de révision au moins une fois par année.

L’esprit de lucre habite tellement bien nos bailleurs qui se prennent pour des commerçants, d’ailleurs ils veulent rapidement se faire de l’argent pour rembourser le crédit de cette maison qu’ils ont engagée en effectuant plusieurs hypothèques.

Bref, les raisons de ces catastrophes sont innombrables. On prendrait toute une journée si on souhaitait les énumérer toutes. Les autorités ont leur part de responsabilité, certainement, mais les citoyens eux-mêmes sont parfois responsables de ne pas se préoccuper de leur propre vie.
La vie est devenue tellement chère que les gens recherchent des logements à moindre coût, peu importe dans quelles situations ceux-ci se trouvent. On fait fi des prévisions météorologiques, on vivote aisément dans les marécages et dans les égouts, et en saison de pluie on n’est même pas effrayé par les inondations mortelles qui ont fini par se transformer en marronniers.

Oui, voilà pourquoi nous assisterons encore à des effondrements de R+4 dans nos cités capharnaümesques, et que les gens viendront se lamenter ici comme si tout ceci n’était pas malheureusement très prévisible...

 

Ecclésiaste Deudjui

(+237) 696.469.637

Article publié sur wutsi.com/@/clesh7

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