L’art du blocage sur les réseaux sociaux

Si vous êtes un utilisateur des réseaux sociaux, vous avez certainement déjà été bloqué par quelqu’un ! Il s’agit d’une manipulation simple et facile, appliquée par un correspondant qui ne désire plus —du tout— recevoir vos messages. Et laissez-moi vous dire que les blocages sont de plus en plus utilisés ici au Cameroun...
Déjà, le blocage a été instauré sur les réseaux sociaux pour lutter contre les spams. Il permet, entre autres, d’éviter les messages publicitaires intempestifs, d’éliminer les contenus non intéressants ou encore d’empêcher toutes possibilités de harcèlement, de voyeurisme, d’impertinence... Les blocages sont assimilables à la mise en sourdine mais avec « l’avantage » que votre correspondant ne pourra plus jamais vous contacter.
Le blocage est devenu un art ! Pour les vendeuses de piment, c’est un moyen facile de choisir les meilleurs clients. Sur WhatsApp par exemple, ça leur permet de supprimer définitivement les baratineurs qui bavardent beaucoup, au lieu de discuter directement sur le prix de la marchandise. Sur Facebook, on bloque généralement une ancienne connaissance (ou conquête) dont on ne veut plus du tout entendre parler. On bloque les ex pour ne plus apercevoir leurs photos de mariage sur le fil d’actualité, mais on bloque également les faux marabouts, les faux profils de stars, les faux petits arnaqueurs qui font semblant d’être des commerçants en ligne, les faux intermédiaires de visa, etc.
Il faut dire que la fonctionnalité de blocage est une super idée, d’ailleurs elle est systématiquement applicable dans toutes les applications de messagerie. Elle permet à l’utilisateur de se prémunir de certains contacts, en leur interdisant la discussion, la vue de son profil mais aussi les mises à jour de son actualité. C’est ainsi que certains adolescents bloquent leurs propres parents, pour empêcher à ceux-ci d’avoir accès à leur contenu sur les statuts. Il y a aussi des élèves/étudiants qui bloquent leurs propres enseignants, sans que cela ne dissimule une quelconque animosité. Mais au contraire c’est leur façon à eux de se « préserver » de leurs éducateurs, afin de camoufler l’intensité et la dangerosité de leur vie digitale.
Sur le plan psychologique, on peut aussi dire que le blocage donne à certaines personnes, un sentiment de surpuissance. De contrôle, plus exactement. Les gens qui bloquent ont généralement l’impression de maîtriser la situation, voire de donner le ton de la conversation. C’est comme dans les relations amoureuses : celui qui initie la rupture donne souvent l’impression d’être le vainqueur, bien que trop souvent ce soit lui le plus malheureux de la situation...
On bloque aussi parfois pour se protéger. Parce qu’on aime trop quelqu’un qui ne nous aime plus, on ne veut plus suivre son actualité. On ne veut plus voir ses statuts sur lesquels il affiche des instantanés de jouissance, et en même temps on veut lui cacher notre misérable vie de souffrance. Le fait de bloquer quelqu’un qu’on aime est une pratique très récurrente, d’ailleurs certains amoureux passent le temps à se bloquer/débloquer à longueurs de journées. Parfois c’est un signal qu’on envoie à l’autre pour lui manifester son mécontentement, et pour lui démontrer qu’il vient de franchir la ligne rouge. Cela se voit parfois comme un signe que l’énervement a déjà atteint un point de non-retour.
Pour finir, disons que certaines Camerounaises abusent du blocage, et que d’ailleurs elles en font un très mauvais usage. Il y a des filles ici qui te bloquent pour un oui ou un non. Il y a des femmes qui prennent un vicieux plaisir à bloquer tous les numéros inconnus qui leur disent simplement bonjour, sans même se préoccuper de l’identité de leur futur correspondant (est-ce que c’est un employeur, est-ce que c’est un voisin, est-ce que c’est un membre de la famille, etc). Le blocage a donné à ces gens-là un sentiment de suprématie intérieure, une fierté, voire une importance sociale qu’ils se sont eux-mêmes fabriquée. Les femmes d’ici se sentent indispensables lorsqu’elles ont bloqué quelqu’un, et certaines considèrent même ce geste comme étant la punition ultime : « Si tu m’écris encore, je te bloque ! »
Et pourtant si je ne peux plus t’écrire, cela veut pratiquement dire que tu m’as déjà bloqué norr ?
Bref, on a créé les réseaux sociaux pour les échanges entre les hommes et pour la mixité des communautés, et c’est à chacun de nous de savoir bien s’en servir. Le blocage a été ajouté pour sélectionner son entourage, et pour s’éloigner définitivement des mauvais profils. C’est un art, c’est une bonne pratique, c’est un outil et c’est parfois une indispensable méthode de protection.
Malheureusement certaines personnes l’utilisent encore aujourd’hui comme un instrument de chantage.
Ecclésiaste Deudjui
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Article publié sur wutsi.com/@/clesh7