Humilier Ernest Obama

La médiasphère camerounaise a encore en mémoire l’arrestation spectaculaire du journaliste Ernest Obama, ancien directeur de la télévision Vision 4, ce jeudi 18 juin 2020 sur son propre lieu de service.
Une humiliation ! Déjà de voir qu’il a fallu toute une escorte, que dis-je, un escadron de la Gendarmerie nationale pour venir l’y déloger, et diffuser les images de cette interpellation dans le propre journal de 20 heures du média dont l’inculpé était pourtant l’un des barons.
La question des faits qui lui sont reprochés ne m’importe pas. Après tout, « le temps est le véritable tribunal de l’Histoire » comme il aimait à le répéter. Mais j’ai quand même suivi qu’il serait poursuivi pour fautes de gestion, sabotage ou encore abus de confiance. Je crois que c’est à peu près ça. Et de voir la populace se réjouir de ce fait divers qui réjouit les masses plus qu’il ne les attriste, ça laisse non pas à désirer, mais plutôt à réfléchir.
Il est évident que cette mise en scène a été commanditée en hauts lieux, et qu’il fallait enlever les chaussures du journaliste Ernest Obama pour le faire marcher en chaussettes, le faire assoir à même le sol devant ses ex-collaborateurs qui étaient pourtant ses subalternes, et puis enfin l’excommunier à travers des reportages punitifs et pourtant l’enquête n’a même pas encore déroulé son dénouement...
Ernest Obama n’est pas un ange ! Il n’est pas question ici de le juger ni de l’exempter. Mais l’image qu’il renvoie sur les antennes, c’est celle d’un personnage arrogant, arriviste, parvenu et sous certains égards condescendant. Il est antipathique en quelque sorte. Il est vantard, mégalomane et limite narcissique. Ça c’est ce qu’il montre. Et certaines langues de professer qu’il serait tout le contraire en off, et que derrière les caméras ce serait plutôt un chérubin qui ne ferait pas de mal à une mouche tsé-tsé.
Toujours est-il que le serpent s’est mordu la queue. L’ancien directeur de la télévision avait d’abord disparu des écrans depuis le mois d’avril, puisqu’il avait été –vraisemblablement– retiré de tous les programmes télés qu’il animait. On l’a « refourgué » à la direction du quotidien de presse L’Anecdote, où il jouissait de mille fois moins de visibilité.
L’arrestation de Dieudonné Ernest Obamanana est un chapelet de leçons de vie, puisque la vie est faite de hauts et de bas. On peut culminer au sommet un jour, et se retrouver au SED (secrétariat d’Etat à la Défense) le lendemain. On peut diriger ses collègues un matin, et puis se faire « fusiller » par eux le lendemain. On peut avoir de la notoriété et un florilège de relations importantes au sein du pouvoir, mais ça ne nous préservera jamais de se brûler les ailes comme l’irrévérencieux Icare.
Encore que les gens bavardent dans les chaumières parce que les uns condamnent la méthode de cette arrestation, tandis que les autres n’en ont cure. Mais il reste que l’humiliation publique de ce journaliste était la première étape d’une descente aux enfers qui certainement ne fait que commencer.
Ecclésiaste Deudjui
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