Le port autonome de Douala, un Etat dans la République !

J’ai eu le privilège de visiter le port de Douala le week-end dernier, à l’occasion d’une rencontre organisée par l’association des blogueurs du Cameroun.
Ce qu’il faut dire, c’est qu’il ne s’agit pas là d’une institution comme les autres. Elle a fait la Une des journaux pour des affaires judiciaires concernant son Directeur général Cyrus Ngo’o, mais le PAD est une véritable mini-République !
Pour commencer, son domaine s’étend sur environ mille hectares, soit dix millions de mètres carrés ! Cet espace qui était autrefois accessible au tout venant, est désormais un endroit ultra-sécurisé. Des centaines d’agents formés par les éléments du BIR ont été recrutés pour surveiller la totalité de la zone, et des portiques automatiques assurent le contrôle de tous les véhicules en entrance ou en partance. De plus, une barrière longue de dizaines de kilomètres assure la sécurité du pourtour, barrière équipée de centaines de caméras de vidéosurveillance avec vision nocturne et détecteur de mouvements...

Le port de Douala a été créé il y a plus de 140 ans. C’est un projet qui a longtemps été sous autorité coloniale, avant d’être rétrocédé au gouvernement camerounais au début des indépendances. Les premiers grands travaux sous administration camerounaise ont été réalisés en 1975, avec Paul Biya comme premier ministre. Mais c’est en 1980 sous le président Ahidjo que le port de Douala est définitivement inauguré.
Aujourd’hui, le port de Douala jouit d’une souveraineté acquise en 2019, suite à un décret du président de la République qui a proclamé son autonomie. Cela rend faciles les prises de décision du top management du port, facilitant ainsi les échanges internationaux et les activités commerciales ; car à lui seul, le port de Douala représente sensiblement 95 % des exportations du Cameroun.
Avec Garoua, Kribi et Limbé, Douala représente l’un des quatre ports du Cameroun, même si c’est lui le principal et qu’il est d’ailleurs le port le plus important d’Afrique centrale. Cependant, du fait de son caractère fluvial, il a besoin de Kribi pour le débarquement de certains navires qui ne naviguent que dans les eaux profondes. L’opération qui consiste à décharger ces navires dans des bateaux plus petits pour acheminer les marchandises à Douala, s’appelle le transbordement.
Le port de Douala est structuré en régies. Il y a par exemple la capitainerie qui s’occupe de l’organisation des départs et des arrivées des navires. Il y a la régie du terminal à conteneurs qui a succédé à Bolloré, ancien gestionnaire de ce département portuaire. Pour rappel, le port de Douala effectue régulièrement plus de mille livraisons de conteneurs par jour !
Sur ce vaste espace, on peut aussi remarquer que les quais sont segmentés : il y a un quai pour les navires pétroliers, un autre pour les produits céréaliers, un autre pour le bois (le parc à bois du PAD s’étale à perte de vue), un autre pour les conteneurs, etc.
Ces quais sont assaillis par une horde de dockers qui sont spécialisés dans le chargement/déchargement des navires. Certains de ces bateaux sont équipés de barbelés car la piraterie en haute mer n’a pas encore été éradiquée. À noter aussi que la plupart des bateaux sont sous pavillon panaméen ou libérien, pour des raisons de sécurité militaire. Et que chaque navire est une extension du territoire de son pays d’enregistrement.

À l’intérieur du port, on trouve aussi une infirmerie pour la prise en charge médicale du personnel portuaire. Il y a également une brigade de gendarmerie, un service de sapeur pompiers et une représentation de la Douane camerounaise. Il s’agit donc d’un mini-Etat dans l’Etat du Cameroun, tant du fait de son trafic commercial impressionnant que de ses infrastructures imposantes. Le PAD a d’ailleurs concédé une vaste partie de son espace territorial à des entreprises industrielles, des cimenteries, des dépôts pétroliers, des magasins de stockage, des entreprises de logistique et transport, des consignataires et transitaires, etc. Ces opérations de location se font via des contrats de bail spécifiques qu’on appelle techniquement des contrats d’amodiation.
Enfin, le port de Douala souffre de ce que la ville de Douala a fini par le rejoindre. Il prévoit donc de s’étendre du côté de l’île de Manoka d’ici à 2035. Un vaste projet d’agrandissement est également en cours d’ici 2050, avec un aménagement du fleuve Wouri pour permettre une capacité d’accueil démultipliée. Une vision futuriste qui fait partie des grands projets d’industrialisation et de développement de la République du Cameroun.
Ecclésiaste Deudjui
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Article publié sur wutsi.com/@/clesh7