Mais qui a osé s’attaquer aux beignets-haricot-bouillie ?

Il y a un docteur que personne ne connaissait et qui se retrouve aujourd’hui au centre d’une polémique, parce qu’il a déclaré que « Les beignets-haricot-bouillie c’est le repas le plus toxique d’Afrique ! »
Je ne sais même pas s’il est réellement docteur, parce qu’il se définit lui-même comme un biologiste-thérapeute. Le bon monsieur s’appelle Polain Nzobeuh et il prétend exercer au Cameroun depuis 2008, précisant même qu’avant ça il soignait déjà les Camerounais depuis qu’il avait l’âge de neuf ans...
Ou c’est pour faire le buzz oooh ! Ou c’est pour se faire remarquer oooh ! Ou c’est pour faire agrandir sa maigrelette patientèle oooh ! Toujours est-il que Polain Nzobeuh est devenu soudainement un visage identifiable à travers les réseaux sociaux, et que sa théorie commence petit-à petit à se frayer un petit bout de chemin.
Concrètement, il nous demande d’abandonner les beignets-haricot-bouillie. Impossible ! Il nous recommande de retourner au régime diététique d’Adam et Ève, bref, de retourner à l’époque de la chasse et de la cueillette. Ce thérapeute de sous-quartier —reconverti en nutritionniste— nous déconseille vivement la farine de blé raffinée qui est utilisée dans la fabrication de nos beignets, car elle ne contiendrait aucun élément nutritif pour notre organisme. De plus, et là sa thèse est appuyée par la nutritionniste Josie K., la farine généralement utilisée est de type T45 ou T55, ce qui signifie qu’elle ne contient pas de vitamines et encore moins de sels minéraux.
Le « docteur » s’est fait lyncher sur les réseaux sociaux. Même notre ministron de la Justice est rentré dans la danse, puisque Jean de Dieu Momo est venu lui dire que « Va en brousse avec ça !» Les Camerounais se sont offusqués de ce qu’un obscur individu qui est même encore inconnu dans son propre village, se place devant la caméra de son téléphone pour nous dire que « Les beignets-haricot-bouillie c’est le repas le plus toxique d’Afrique ! »
Il sait combien de personnes mangent cela par jour ? Il sait combien de personnes ne mangent que cela par jour ? Il sait combien de jeunes femmes et de grandes mamans ne vivent que de cette activité ? Il est au courant que ce sont les beignets-haricot-bouillie qui ont « surlivé » le chiffre d’affaires de Tchop et Yamo, et de bien autres entrepreneurs de fast-food ?
Est-ce que Polain Nzobeuh sait même que si l’Unesco s’intéressait réellement au Cameroun, le BHB serait actuellement considéré comme un patrimoine international ? Parce que nous avons grandi dans ça, nous avons vécu dans cette atmosphère de beignets-haricot depuis notre plus tendre jeunesse, et que le fameux bol de bouillie nous servait généralement de cerise sur le gâteau ?
Bref, laissons les émotions de côté. Car ce qui est bien réel, c’est que l’huile de friture qui est utilisée par nos « mamys makalas » qui nous font les beignets-farine et les beignets-maïs chaque matin et chaque soir, c’est une huile mal utilisée. Puisque normalement une huile ne doit pas être portée à une très haute température (jusqu’à la fumée sort), sinon elle devient potentiellement cancérigène. Normalement une huile de friture ne doit pas être réutilisée au-delà de deux fois, sinon elle va potentiellement vous provoquer des maladies irréversibles sur votre foie, sur vos intestins, sur votre estomac, sur votre pancréas, sur votre œsophage, etc.

Il n’y a pas que du faux dans les propos de Polain Nzobeuh, même s’il est allé un peu trop loin en se présentant aussi alarmiste. Car la vérité est que dans les beignets-haricot-bouillie, le plus important c’est le haricot. Lui seul peut être considéré comme « sain » dans ce menu patrimonial, puisqu’il contient à la fois les protéines végétales, les glucides, les antioxydants, etc. De plus, le haricot provoque une sensation de satiété, il est une source de fibres et il permet également de se prémunir contre certaines maladies cardiovasculaires.
Enfin, il y a la bouillie. Celle-ci est généralement faite à base de farine fermentée, et pourtant la fermentation détruit systématiquement les vitamines qu’on pouvait retrouver à l’intérieur du maïs utilisé. Conclusion : la bouillie que vous consommez n’est qu’un « triste amas d’amidon avec quelques sels minéraux qui ont pu survivre à la fermentation » (Dr Josie K.) Pour qu’elle soit bénéfique, il faut essayer d’y ajouter du citron ou de la citronnelle à l’intérieur.
Donc voilà à peu près ce que le scientifique Polain Nzobeuh voulait faire passer comme message, mais il a plutôt reçu des flèches empoisonnées avec des tirs de mitraillettes contenant des balles réelles. Parce qu’en réalité il s’y est pris maladroitement, et peut-être même malencontreusement. Ce qu’il voulait dire, c’est qu’il faut plutôt réduire sa consommation de beignets-haricot-bouillie à deux fois par semaine au maximum ! Ou alors, si vous aimez trop ce repas, il faut le préparer à la maison vous-même. Cela vous permettra de maîtriser la farine que vous utilisez, de contrôler la température et la qualité de l'huile que vous portez à ébullition, et de limiter drastiquement le nombre de ses réutilisations.
Les beignets-haricot-bouillie peuvent être consommés sans problème par les sportifs de haut niveau, ou par des gens qui pratiquent un métier difficile ou qui exercent une activité physique très régulière. Car ce sont des personnes qui utilisent régulièrement leurs muscles et qui provoquent une grosse dépense énergétique, ce qui leur permet d’éliminer assez rapidement certaines mauvaises substances ingurgitées.
Mais qu’on se rassure tout de même, le « BHB » n’a jamais été et ne sera jamais le repas le plus toxique de notre continent...
Ecclésiaste Deudjui
(+237) 696.469.637
Article publié sur wutsi.com/@/clesh7