Kamto est-il réellement une menace pour le Cameroun ?

Depuis sa sortie musclée du lundi 24 août, j’entends les partisans de Maurice Kamto proférer des menaces qui me laissent quelque peu perplexe. Ils parlent de « manifestations géantes », de « marches massives » et j’ai même entendu l’un d’eux dire que « Si vous vous entêtez à vouloir organiser les élections régionales sans corriger le Code électoral, eh bien vous allez voir ce que vous n’avez jamais vu ! »
De sérieuses invectives, en somme. Mais qui s’adressent davantage à monsieur Paul Biya qu’à moi-même. Puisque le leader du MRC s’évertue à admonester le chef de l’Etat à chacune de ses sorties, et à le tancer de manière directe et limite condescendante.
Je rappelle que Maurice Kamto n’en est pas à sa première gronderie : il a boycotté les élections législatives et municipales de février ; il n’a pas participé au Grand dialogue ; il a sommé Paul Biya de prouver qu’il était vivant durant les prémices du covid ; et donc il exige actuellement une refonte complète de notre système électoral, ainsi que la résorption complète de la crise –ou guerre– qui sévit au Nord-Ouest-Sud-Ouest depuis fin 2016...
Alors, est-ce que ce type représente réellement une menace ?
Si on veut se baser sur les faits, on dira Non tout de suite. Car à part la marche organisée en janvier 2019 et qui avait abouti à l’arrestation de presque tout l’establishment du MRC, ce parti n’est plus parvenu à re-organiser de manifestation vraiment sérieuse. Alors ses militants surfent sur les faits divers, sur le buzz, sur les fake news et sur l’agitation du spectre du tribalisme pour continuer à persister dans les esprits des Camerounais. Maurice Kamto et sa bande sont quasiment devenus des épouvantails qui s’attaquent au régime yaoundéen de manière effrénée, mais avec une dangerosité qui n’inquiète pas encore les autorités administratives et militaires. Jusqu’à présent le Pouvoir leur octroie la liberté de vociférer et de dénoncer, mais ils ne disposent ni de la liberté de marcher, de manifester, de se rassembler, de prêcher ouvertement et encore moins de se marier librement (on a failli interdire le mariage de Bibou Nissack qui est le porte-parole du parti).
Si on veut se baser sur d’autres éléments, on peut objecter que Maurice Kamto, même s’il n’est pas un danger immédiat pour la pérennité du système, n’en représente pas moins une menace sérieuse. Car sur la toile, sa clique est bien plus nombreuse en terme de proportions. Ses partisans sont plus véhéments que la moyenne, et la plupart de ces militants sont en réalité des aspirants téméraires au changement.
Maurice Kamto jouit d’une respectabilité qui ne se dément pas même au sein des rangs du RDPC. Il est peut-être maladroit dans ses agissements politiques, mais il cristallise les velléités de révolution d’une certaine frange de la population camerounaise qui en a marre de l’immobilisme, et qui réclame incessamment l’alternance. Et les exemples du Mali –ou d’ailleurs– prouvent à suffire que si on néglige cet adversaire politique, si on lui accorde un centimètre d’espace pour organiser ses manifestations populaires, eh bien on saura comment ça a commencé mais personne ne pourra prédire exactement comment cela pourrait se terminer...
Donc, on ne sait jamais. Les révolutions les plus éclatantes sont souvent venues des mouvements les plus imprévisibles. Les leaders qui ont renversé des gouvernements quarantenaires ne sont pas forcément les plus charismatiques ni les plus stratégiques. Maurice Kamto n’est pas forcément l’homme qui est capable de renverser le régime de Paul Biya, mais il dispose d’une base assez solide qui est au moins capable de déclencher une étincelle qui peut s’avérer incontrôlable.
Alors oui, cet homme-là peut être considéré comme une véritable menace pour le Cameroun.
Ecclésiaste Deudjui
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